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dimanche 22 avril 2018

Les étudiants mobilisés ne veulent pas lâcher......." La base de leur combat, je comprends, mais pas leur méthode ".....

22 avril 2018

Les étudiants mobilisés ne veulent pas lâcher

Après l'évacuation de Tolbiac, les opposants à la loi Vidal espèrent rallier les lycéens

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Il est plus dangereux d'intervenir à Tolbiac que de ne pas intervenir " : la citation du chef de l'Etat, Emmanuel Macron, est inscrite à la bombe de peinture, sur le bas d'un mur de l'annexe de l'université Paris-I. Une phrase que le président a prononcée lors de son interview, dimanche 15  avril, sur BFM-TV, et que les occupants portaient comme un trophée. Vendredi 20  avril, dans la journée, quelques heures après l'évacuation du site par les forces de l'ordre, environ 200 manifestants ne bloquent plus que le trottoir jouxtant l'université. " Ne plus tenir Tolbiac, c'est une perte, reconnaît Léo, étudiant en philosophie, mais est-ce que c'est la fin du mouvement ? Je ne pense pas. "" En Mai 68, c'est lorsqu'ils ont fait intervenir les flics dans les facs qu'a démarré le mouvement ", avance également une étudiante.
Bien loin de mettre un coup dur à leur mobilisation, les étudiants qui occupaient le site espèrent donc que cette intervention policière, après d'autres à Strasbourg, Nanterre ou encore à la Sorbonne, sera à même de la relancer. Un mouvement dont l'ampleur n'a, de fait, pas beaucoup évolué depuis quelques semaines. Jeudi 19  avril, la manifestation parisienne contre la politique gouvernementale, à laquelle participaient les étudiants au côté des cheminots ou encore des soignants des hôpitaux, a réuni seulement 15 300 personnes.
La contestation ne faiblit pas mais elle n'a jamais vraiment pris non plus. Les violences à Montpellier avaient servi de catalyseur à une action jusque-là sous-jacente. Depuis le début du mois d'avril, 10 à 15 universités (la France en compte près de 70), qui ne sont pas toujours les mêmes, voient leur fonctionnement perturbé par des blocages. Avec quatre places fortes, traditionnellement en pointe des mobilisations étudiantes : Toulouse Jean-Jaurès, Paris-VIII, Montpellier-III-Paul-Valéry et Rennes-II, qui sont, elles, totalement bloquées. Par solidarité, un collectif d'élèves de Sciences Po a également occupé pendant deux jours et demi l'école parisienne tandis que les IEP de Rennes et de Lille restaient, eux, partiellement bloqués vendredi.
Selon Hugo Melchior, doctorant en histoire politique contemporaine à l'université de Rennes-II et membre du Groupe d'études et de recherche sur les mouvements étudiants, le mouvement est actuellement confronté à une " situation paradoxale " : un nombre " conséquent " de facultés sont bloquées sur le territoire, quatre universités totalement. Les assemblées générales qui s'y déroulent sont en général " massives, avec plusieurs milliers de participants pour certaines ", et ce mouvement est soutenu par un certain nombre d'universitaires qui refusent de classer les candidats sur Parcoursup.
Mais, contrairement à la mobilisation victorieuse contre la loi Devaquet en  1986, elle aussi accusée de mettre en place la sélection, ou celle de 2006 contre le CPE, " il n'y a jusqu'à aujourd'hui pas eu une seule journée de manifestation de masse des étudiants " commente-t-il. Résultat : pour l'instant " l'objectif d'une abrogation de la loi Vidal peut, malheureusement pour ses opposants, paraître hors de portée ". L'autre faiblesse de ce mouvement, à ses yeux, tient au fait que " les lycéens sont les grands absents de cette mobilisation alors même qu'ils sont les premiers concernés par cette réforme ".C'est justement un des leviers que comptent actionner les opposants à la loi sur l'orientation et la réussite des étudiants. Dès le retour des vacances scolaires, ils se rendront dans un maximum de lycées.
Calendrier peu favorable" A l'évidence, les lycéens ne sont pas encore “sortis du tube de dentifrice” ", comme le veut l'adage selon lequel une fois qu'ils investissent la rue, un mouvement devient incontrôlable, relève Ugo Thomas, président du principal syndicat lycéen, le SGL. Comme toujours lors d'une action qui concerne à la fois étudiants et lycéens, " il peut y avoir de la solidarité comme il peut y avoir des intérêts propres à chacun ", explique-t-il. La préparation du bac mais aussi le livret scolaire examiné dans le cadre de Parcoursup sont vécus comme des freins. " Beaucoup redoutent que le lycée prenne note de tout soutien aux étudiants et que les universités puissent sélectionner là-dessus ", relate Ugo Thomas.
A cela s'ajoute un calendrier peu propice à la mobilisation, avec un tunnel d'un mois et demi de vacances, jusqu'au 14  mai, certaines académies comme Nantes, Orléans et Rennes ayant exceptionnellement déplacé leurs dates de congés pour éviter une rentrée dans une semaine " à trous " avec les deux jours fériés des 8 et 10  mai. L'enjeu est donc de trouver une date consacrée à la mobilisation contre Parcoursup à l'issue de cette période, qui ne soit point trop proche du début du bac, le 18  juin. Bloquer le bac, à l'image des étudiants bloquant les partiels ? L'hypothèse semble inenvisageable pour les syndicats lycéens au vu du nombre de centres d'examens. Pour l'exécutif, la tenue des examens dans de bonnes conditions est désormais la seule chose qui compte. C'est" le défi des prochains jours "a prévenu Emmanuel Macron quelques heures après l'évacuation de la faculté de Tolbiac.
Des consultations électroniques sont également organisées par la direction d'universités, censées révéler le poids réel des " bloqueurs " et sensibiliser un maximum d'étudiants sur le blocage de leur université. Ainsi, jeudi 19  avril, 74,2  % des étudiants du campus du Saulcy à Metz ont voté pour la fin du blocus.
La veille, c'est l'université de Strasbourg qui a organisé un vote auquel ont répondu 11 696 étudiants sur 51 000. 71,88  % ont voté contre le blocage. Un score " sans appel ",a estimé le président de l'établissement alsacien, Michel Deneken, mais que ne reconnaît pas Colin Jude, étudiant et président de l'UNEF Strasbourg. " Nous refusons de prendre en considération ce vote car il n'a pas ouvert de débat de fond sur les conséquences de la loi Vidal ", argumente l'étudiant en sciences politiques, qui reconnaît par ailleurs les limites " démocratiques " des AG, " dont le but, ainsi que celui des blocages, est d'obliger les étudiants à se -confronter à la politique ". Même contre leur volonté.
Séverin Graveleau, Soazig Le Nevé et éric Nunès
© Le Monde


22 avril 2018

" La base de leur combat, je comprends, mais pas leur méthode "

Sur les campus, de nombreux étudiants assistent, comme simples témoins, à une mobilisation qu'ils ont choisi de ne pas suivre

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Aller en cours, passer ses partiels. Les obtenir. Voilà, résumées, les revendications des étudiants qui ne prennent pas part au mouvement de contestation contre la loi sur l'orientation et la réussite des étudiants. Lundi 16  avril, devant le bâtiment de sciences juridiques de l'université de Nanterre, bloquée par quelques tables et une poignée d'étudiants, Victor, syndicaliste nanterrois, fait chauffer les cordes vocales d'une petite foule estudiantine massée autour de lui. Mégaphone dans la main gauche, micro dans la droite, " Y en a marre ! ", crie le " bloqueur ". " Y en a marre ",lui répond comme en écho sa bande qui s'ébroue pour un tour du campus.
A quelques mètres du cortège improvisé se tiennent Quentin, Chloé, Inès… Ils ne défilent pas, espèrent juste l'ouverture des portes pour passer leurs partiels. " Nous sommes la majorité silencieuse ", résume Quentin qui, comme beaucoup, reprendra le chemin de la gare du RER pour rentrer chez lui. Des campus lillois ou parisiens à celui d'Aix-en-Provence, de nombreux étudiants assistent, en simples témoins, à une mobilisation dont ils ne sont pas les acteurs ou à des blocages dont ils s'estiment les victimes.
" Je travaille tout l'été "Pourquoi sont-ils si éloignés de la mobilisation ? " On bosse ", répondent tout simplement nombre d'entre eux. Comme Inès la Nanterroise, Janna, étudiante en droit à l'université de Lille, a eu, ces derniers mois, peu de temps pour autre chose que la préparation de ses examens. Hors de question de diluer son énergie ailleurs. " Ceux qui n'ont pas les moyens de redoubler doivent être au travail, explique Quentin, en L3 de droit à Valence, je dois obtenir mes examens sans attendre les rattrapages, comme une fourmi, je travaille tout l'été pour avoir les moyens de financer une partie de mes études le reste de l'année. " Idem pour Kevin, doctorant en arts plastiques : " J'ai deux emplois en plus de mes études, financièrement je ne peux pas me permettre de faire grève ", dit-il, tout en précisant être opposé à la sélection à l'université.
Beaucoup des étudiants qui refusent de se mobiliser estiment pourtant cette loi nécessaire. " Si je regarde ce qu'il s'est passé lors de ma première année de licence, je vois que nous étions très nombreux mais beaucoup moins à être motivés ", déclare ainsi Julian, étudiant en lettres à Aix-en-Provence. Surtout, la nouvelle loi met fin à ce que tous jugent comme une profonde injustice : le tirage au sort dans les filières en tension. " Il est préférable d'avoir un tri des candidatures sur dossier plutôt que de laisser l'intégration des cursus au fruit du hasard ", abonde Maelle, en master 1 de géographie à Paris-I.
Si la mise en place d'un système plus sélectif ne froisse pas les étudiants peu ou pas mobilisés, les conséquences du mouvement sur leurs examens et leurs potentiels diplômes les inquiètent davantage. " Si j'arrive à mon examen que j'ai préparé à fond et que le prof dit qu'il fait grève, ça me mettrait hors de moi ", avertit Sabri, étudiant en droit à Lille-II. Alors que plusieurs établissements sont bloqués et les partiels repoussés à une date ultérieure sans que les étudiants sachent quand ils seront programmés, des étudiantes s'inquiètent et s'impatientent. Lucie, en deuxième année d'anglais et de journalisme à Lille, ou Inès en L3 de droit à Nanterre, racontent la même histoire. Elles se sont préparées pour leurs examens d'avril, ont obtenu un stage en entreprise en juin et décroché un travail pour terminer l'été et gagner un peu d'argent pour attaquer la rentrée 2018. " Ils ont le droit de manifester, et nous avons le droit d'étudier ", résume tout simplement Guillaume, en première année de psychologie à Nanterre.
A ces oppositions se mêle une interrogation de beaucoup d'étudiants sur la légitimité des bloqueurs à les représenter. Les assemblées générales où sont décidés, après un vote à main levée, barrages filtrants, occupations et blocages, " ne sont en rien un lieu de débat, estime Quentin, étudiant en droit à Nanterre. Ceux qui s'y retrouvent sont d'accord entre eux ". " Si, en AG, quelqu'un ose exprimer un désaccord, il se prend une volée de plombs ", poursuit un autre étudiant en droit à Valence. " Alors qu'ils veulent être un symbole de résistance, le fait d'imposer leur volonté sur les autres ne leur apporte que du discrédit. La base de leur combat, je comprends, mais pas leur méthode ", ajoute Emma, en licence de philosophie à Lille 3.
é. N. et Caroline Pain
© Le Monde

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