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samedi 21 avril 2018

Eurozone : les réformes de Macron au risque d'un blocage allemand


21 avril 2018

Eurozone : les réformes de Macron au risque d'un blocage allemand

Avant les européennes de 2019, le président français veut une " feuille de route " avec Berlin

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Les Allemands vont-ils continuer à dire nein à la main tendue d'Emmanuel Macron ? La réunion à Berlin, jeudi 19  avril, entre le chef de l'Etat français et la chancelière Merkel, n'a guère fait bouger les lignes sur la zone euro. L'inquiétude monte du côté français. Cela fait près d'un an que Paris propose à Berlin une réforme ambitieuse, avec la création d'un budget substantiel pour l'eurozone. Mais la nouvelle coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs aux manettes depuis mars n'a encore donné aucun signe d'enthousiasme.
Déjà en campagne pour les élections européennes de mai  2019, Emmanuel Macron a promis pour juin une " feuille de route " commune avec Berlin. N'obtenir aucune concession des Allemands constituerait un très gros revers.
Soulignant un " moment décisif pour l'avenir de notre Europe ", le président a répété jeudi qu'" aucune union monétaire ne peut survivre sans instruments de convergence ". Une référence explicite à la nécessité d'un budget pour les 19 pays de l'eurozone. La chancelière s'est contentée de souligner sa volonté de compromis.
Les Français veulent à minima parachever l'Union bancaire. Cela fait au moins trois ans que les dirigeants de l'Union hésitent à muscler son " fonds de résolution ", censé venir en aide à une banque en cas de défaillance. Un consensus est à portée de main à l'Eurogroupe, la réunion des ministres des finances de l'eurozone, pour que le mécanisme européen de stabilité (MES), ce fonds constitué en urgence pendant la crise financière, vienne en soutien.
" Non à tout "La Commission a aussi proposé, en  2015, une assurance européenne des dépôts, pour qu'aucun épargnant de l'Union ne perde ses économies en cas de faillite d'une banque. La France soutient cette réforme, comme l'Italie ou l'Espagne.
Le président Macron tient surtout à un budget de la zone euro, pour renforcer les mécanismes de solidarité dans l'eurozone.Il pourrait être adossé aux 500  milliards d'euros de capacité de prêts du MES, bientôt complètement disponibles, la Grèce devant en finir avec son troisième plan d'aide en août  2018. En cas de choc dans un pays membre, ces prêts serviraient à soutenir l'investissement public.
Mais " certains, à Berlin, disent non à tout ", déplore une source proche de l'Eurogroupe. Non à l'assurance des dépôts européenne, en tout cas, pas de feu vert avant le scrutin des européennes. Non à un budget substantiel. Oui, à la rigueur, au projet que la Commission devrait présenter le 2  mai, d'une ligne dans le budget de l'Union post-brexit, pour financer les réformes structurelles dans les pays membres. Mais c'est un vieux projet de la chancelière.
La position allemande s'est même raidie sur d'autres points : Berlin n'est plus en ligne avec la proposition française de réduction de la dette grecque corrélée à la croissance dans le pays. Alors que cette réduction de la dette grecque est une vieille promesse faite à Athènes et toujours pas honorée. Et Paris s'inquiète du soutien, jugé fragile, de Berlin au projet de taxe sur le chiffre d'affaires des géants de l'Internet.
Il est vrai que l'Allemagne a pendant des années défendu la même ligne : largement excédentaire, elle rechignait à " payer pour la Grèce " et à accepter des mécanismes de solidarité financière avec le reste de l'eurozone. Mais Paris espérait que grâce à son changement de cap (les réformes menées tambour battant, un déficit public enfin sous les 3  % du produit intérieur brut en  2017), Berlin prendrait conscience de la nécessité de bouger.
L'entourage du président Macron comptait aussi sur la nomination d'Olaf Scholz, un social-démocrate, au poste de ministre des finances en remplacement du très orthodoxe Wolfgang Schaüble. Or, le temps file mais M. Scholz " est toujours dans la phase de découverte des dossiers ", selon une source proche. " Et il a dit vouloir se focaliser sur des sujets de politique intérieure ", s'inquiète un diplomate bruxellois. Les conservateurs de la CDU sont quant à eux montés au créneau ces derniers jours, pour plaider le statu quo.
La chancelière sera-t-elle assez forte pour imposer à son camp conservateur un accord avec le président Macron ? Les Français n'ont pas démissionné : les plus optimistes veulent croire que la " grande coalition " allemande n'a pas encore arrêté ses positions, et qu'en l'absence d'une ligne claire, les hauts fonctionnaires à Berlin s'en tiennent encore à la " doctrine " Schaüble.
Cécile Ducourtieux
© Le Monde

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