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dimanche 18 mars 2018

Le GIEC reçoit le soutien de la France et de l'Europe


18 mars 2018

Le GIEC reçoit le soutien de la France et de l'Europe

Le Groupement d'experts sur le climat doit pallier la défection de l'administration Trump à son budget

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experts scientifiques et relecteurs des rapports du GIEC
Depuis sa création, le GIEC a produit cinq rapports d'évaluation de l'état des connaissances sur le changement climatique (1990, 1995, 2001, 2007, 2014). Le sixième rapport est prévu en 2022. Ces experts, originaires de plus de 130 pays, ont formulé 136 000 commentaires pour l'élaboration du 5e rapport.
Hœsung Lee a le sourire. Le président du Groupe d'experts -intergouvernemental sur l'évolution du climat, plus connu sous son acronyme, le GIEC, devrait conserver l'assise budgétaire sur laquelle l'institution scientifique s'appuie pour financer ses travaux. Vendredi 16  mars, au terme de quatre jours de discussions à l'Unesco, à Paris, où le GIEC tenait sa 47e  assemblée plénière, le responsable sud-coréen a fait les comptes.
La hausse de la contribution française annoncée en début de semaine et les efforts promis par l'Union européenne et par plusieurs Etats ont permis l'adoption du budget annuel de l'organisation, créée en  1988 pour établir des diagnostics sur le changement climatique et éclairer les gouvernements dans les décisions à prendre. C'est une " très bonne nouvelle ", commentait vendredi soir un délégué, tant les incertitudes planaient autour de cet exercice budgétaire construit sur une base volontaire.
Mises bout à bout, les différentes contributions –le soutien de la France porté à 1 million d'euros par an jusqu'en  2022, l'année de la livraison du 6e rapport d'évaluation des connaissances sur le changement climatique, l'intention exprimée par l'UE de faire croître sa contribution à 2,5  millions d'euros par an sur les trois prochaines années, les prises de parole du Mexique, de la Norvège, du Luxembourg, du Maroc ou du Japon, prêts eux aussi à revoir leur financement à la hausse, et la participation d'une dizaine d'autres pays – devraient assurer au GIEC une enveloppe comprise entre 5 et 7  millions de francs suisses (entre 4,2 et 6  millions d'euros). Si la dynamique se poursuit, le budget 2017 (4,27  millions d'euros) sera excédentaire, se félicite l'organisation intergouvernementale, qui célébrait aussi à l'Unesco ses trente ans d'existence.
" Pas un centime ne manquera "Or une mauvaise surprise est venue assombrir les préparatifs de cet anniversaire : la menace américaine de ne plus contribuer au financement. Cette volonté s'inscrit dans le droit fil de la stratégie de Washington de dénonciation du multilatéralisme et de rejet de l'action climatique. Depuis l'annonce, en juin  2017, du retrait américain de l'accord de Paris sur le climat, Donald Trump ne fait pas mystère de son intention de couper les vivres aux institutions traitant, de près ou de loin, du réchauffement de la planète.
La mesure vaut en particulier pour l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA), pour certains programmes de recherche de la NASA et pour l'Agence de protection de l'environnement (EPA), qui pourrait perdre 40  % de ses financements dans le prochain budget de l'administration Trump. A l'échelle internationale, le président républicain a choisi de mettre un terme au soutien des Etats-Unis à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC, organisatrice des COP) et au Fonds vert pour le climat. Le philanthrope Michael Bloomberg s'est engagé à pallier cette défection au budget de la CCNUCC, tandis que le Fonds vert dispose tout de même d'un tiers des 3  milliards de dollars (2,4  milliards d'euros) promis par la Maison Blanche sous la mandature de Barack Obama.
La difficulté est autre au GIEC. Sans les subsides américains, c'est tout l'équilibre du groupe qui pourrait s'effondrer, puisque Washington en a été jusqu'ici le principal contributeur. " Au moins 30 %, et jusqu'à 45 % du budget annuel du GIEC, provient des Etats-Unis ", confirme-t-on au ministère de la transition écologique et solidaire.
En  2017, le groupe d'experts a pu compter notamment sur la générosité de deux pays d'Europe du Nord traditionnellement sensibles aux enjeux climatiques et environnementaux, la Norvège et la Suède. Mais l'institution attendait aussi beaucoup du président français qui s'est exprimé sur le sujet en novembre  2017, lors de la conférence climat de Bonn, la COP23. " Pas un centime ne manquera au GIEC pour fonctionner et continuer à éclairer nos décisions ", avait promis le chef de l'Etat à la tribune.
Le ministère de la transition écologique et celui des affaires étrangères vont concrétiser cet engagement en abondant " à parts égales " le million d'euros consacré désormais par Paris à cette enveloppe, bien loin des 80 000  euros versés en  2017 par la France. A cet " énorme effort ", comme le précisent les services de Nicolas Hulot, s'ajoute la prise en charge par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni des coûts de fonctionnement des équipes supervisant les trois groupes de travail du GIEC. " La décision a été prise en  2016, au moment où la chercheuse française Valérie Masson-Delmotte a été élue coprésidente d'un des groupes de travail ", justifie le ministère de la transition écologique, qui y affecte 500 000  euros (qui s'ajoutent à l'enveloppe de la contribution française). Le même effort est demandé aux ministères de la recherche et des affaires étrangères – soit un total annuel de 1,5  million d'euros jusqu'en  2022.
Ces sommes demeurent raisonnables pour une institution qui partage ses dépenses entre l'administration d'un secrétariat d'une douzaine de personnes à Genève, la tenue de sessions de travail et le suivi de ses publications. Elle ne rétribue pas les milliers de scientifiques qui participent à ses rapports, ces derniers étant rémunérés par leurs unités de recherche respectives.
" Fracture Nord-Sud "Le GIEC fonctionne aussi, implicitement, autour de l'idée que les pays riches, premiers responsables du dérèglement climatique et de l'épuisement des ressources, doivent en être les principaux contributeurs. " Au GIEC comme à l'IPBES, la plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité, on retrouve une vingtaine d'Etats, essentiellement des pays développés, et cette fracture Nord-Sud provoque des tensions ", témoigne Aleksandar Rankovic, spécialiste des inter-actions science-société à l'Institut du développement durable et des relations internationales.
Le déséquilibre entre certains pays donateurs, lassés de porter les efforts budgétaires, et des pays émergents, parfois déraisonnables dans leurs demandes, " rend la plate-forme vulnérable aux positions de négociation à même de la déstabiliser ", observe le chercheur, qui pointe aussi ce paradoxe : " Le GIEC a été créé en grande partie parce que les Américains l'ont voulu. Ce sont eux qui, au milieu des années 1980, ont soutenu l'idée, avec l'aide de l'Organisation météorologique mondiale, le Programme des Nations unies pour l'environnement et le Conseil international pour la science. "
En contraignant le GIEC à réunir un tour de table financier plus large, les Etats-Unis vont peut-être, involontairement, l'aider à atténuer ce clivage Nord-Sud qui complique son action. Les contributions budgétaires promises par le Mexique ou le Maroc sont interprétées dans ce sens.
Simon Roger
© Le Monde

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