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samedi 24 février 2018

Assurance-chômage : un accord suspendu à l'avis de l'exécutif


24 février 2018

Assurance-chômage : un accord suspendu à l'avis de l'exécutif

Les partenaires se sont finalement entendus sur la question des CDD, mais les syndicats veulent maintenant des garanties du gouvernement

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Les syndicats et le patronat ont déjoué les pronostics. Jeudi 22  février, à l'issue d'une ultime séance de négociations, ils sont parvenus à finaliser la rédaction d'un texte sur la réforme de l'assurance-chômage, alors même qu'un tel scénario semblait improbable. Il n'est, toutefois, pas acquis que cet accord national interprofessionnel (ANI) sera signé par les confédérations de salariés : plusieurs d'entre elles affirment qu'elles le parapheront à condition que le gouvernement s'engage à en respecter " tous les termes " – en particulier ceux relatifs à la lutte contre la précarité.
Depuis l'ouverture des discussions, le 11  janvier, les parties en présence buttaient sur une thématique : la réduction du nombre de CDD courts. Pour combattre le phénomène, les organisations d'employeurs avaient d'abord proposé de lancer des négociations dans trois secteurs où le turnover de la main-d'œuvre est élevé (hôtellerie-restauration, intérim, action sociale et médico-sociale).
Puis elles avaient condescendu à ce que l'ANI invite les autres branches à s'engager dans un processus identique. Mais il n'était, à aucun moment, question d'instaurer des sanctions financières en cas d'échec des discussions ou d'absence de résultats concrets sur le recours aux contrats courts. Inacceptable, pour les syndicats.
Jeudi, la délégation patronale a fait de nouvelles concessions, décisives cette fois-ci. Dans la nouvelle version du texte mise sur la table, il est écrit que l'ensemble des branches " ouvrent des négociations - afin de - déterminer les moyens de développer l'installation durable dans l'emploi ". L'issue de cette réflexion " sera appréciée au plus tard " à la fin 2018, que les échanges " aient abouti ou non ".
" Incitation financière "Une précision supplémentaire et importante : l'ANI évoque " la perspective de la mise en œuvre de mesures d'incitation financière " afin de limiter le recours aux contrats courts, conformément à ce qui est indiqué dans la lettre d'orientation remise, fin 2017, aux partenaires sociaux pour cadrer leurs discussions. Ce document envisage l'éventualité de créer un système de bonus-malus, qui aurait pour effet d'infliger des pénalités aux patrons adeptes du " travail jetable ". Les syndicats tenaient absolument à ce que l'accord mentionne ce point-là, faute de quoi les entreprises n'auraient été nullement encouragées à modifier leurs comportements.
Ainsi rédigé, le texte est " équilibré, de notre point de vue ", a déclaré Véronique Descacq (CFDT). " Equilibré a minima ", a nuancé Michel Beaugas (FO). Du côté des mouvements d'employeurs, on ne déborde pas d'enthousiasme : " C'est le mieux que nous pouvions faire, avec la contrainte qui nous était donnée ", a commenté Alexandre Saubot (Medef) en faisant allusion à la lettre d'orientation de la mi-décembre  2017 et à l'hypothèse du bonus-malus. Pour autant, " la délégation patronale a confirmé qu'elle se retrouvait dans l'équilibre de cet accord et qu'elle s'engagerait à le mettre en œuvre dans ses différents aspects ", a poursuivi M.  Saubot.
Il manque un élément pour que le " deal " conclu jeudi se concrétise : la parole des pouvoirs publics. " On ne sera signataire que si l'Etat s'engage à respecter l'accord dans tous ses termes ", a insisté Mme Descacq. Cette condition vaut en particulier pour la lutte contre la précarité : l'exécutif, à son échelon " le plus haut ", doit promettre qu'il appliquera les sanctions financières " si les négociations de branches n'aboutissent pas ", a souligné la numéro deux de la centrale cédétiste. " Le président de la République doit comprendre que la démocratie sociale dans ce pays, ça existe, a martelé Mme  Descacq. C'est dans son histoire, c'est dans sa culture - et - c'est aussi nécessaire à la vitalité de l'économie. "
Même si le bonus-malus est une promesse de campagne d'Emmanuel Macron, " on est très nombreux, dans la partie syndicale, à penser que le gouvernement n'a pas envie d'être méchant avec le patronat ", a relaté Denis Gravouil, le chef de file de la délégation CGT – qui a, par ailleurs, une " appréciation assez négative " sur l'ANI.
" Se tirer une balle dans le pied "M.  Beaugas a fixé un autre préalable pour que sa confédération paraphe l'accord : " Il faudra que je sache ce que dit le gouvernement sur - la réforme de - la formation professionnelle ", a-t-il expliqué, car ce dossier a des liens avec celui de la transformation de l'assurance-chômage.
Or la ministre du travail, Muriel Pénicaud, a annoncé, jeudi, qu'elle préparait un " big bang " dans la formation continue, au moment même où les partenaires sociaux bouclaient un ANI sur ce dispositif. " Ce qu'elle a pu dire (…) me laisse un peu inquiet ",a complété le chef de file de FO.
" Soumettre leur signature à l'approbation du gouvernement, c'est faire de l'accord une simple proposition à celui-ci, observe un fin connaisseur du dossier. C'est affaiblir la valeur d'un ANI, c'est se tirer une balle dans le pied… " Une autre source, au cœur de la gestation de la réforme, trouve que la solution imaginée par les partenaires sociaux pour résorber les contrats courts n'est " pas vraiment convaincante " " Personne n'est dupe du fait que les accords ne seront pas prêts d'ici à fin 2018. D'autant que les branches qui ont recours aux CDD ne vont pas s'infliger de grosses pénalités. "
Une des pistes à laquelle réfléchirait le ministère pour combattre la précarité s'apparente à une préconisation de FO. Elle consiste à fixer un " taux pivot " de CDD : si l'entreprise se situe au-dessous, elle a un bonus (une baisse de cotisations) ; si elle est au dessus, c'est l'inverse. Quoi qu'il en soit, le paysage devrait s'éclaircir très vite puisqu'il est possible que Mme  Pénicaud dévoile les grandes lignes de la réforme la semaine prochaine.
Sarah Belouezzane, et Bertrand Bissuel
© Le Monde

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