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mercredi 31 janvier 2018

Diesel : des tests sur des humains et des singes......Les constructeurs allemands accumulent les scandales......


31 janvier 2018

Diesel : des tests sur des humains et des singes

Volkswagen, Daimler et BMW sont accusés d'avoir fait inhaler des oxydes d'azote, gaz toxiques, à des cobayes

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LES DATES
septembre 2015
Début du dieselgate
Volkswagen reconnaît avoir truqué les moteurs de 11 millions de véhicules après avoir été mis en cause par l'Agence américaine de l'environnement. La justice allemande ouvre une enquête.
Février 2016
Volkswagen visé en France
Une information judiciaire est ouverte en France pour " tromperie aggravée " contre le constructeur, qui risque une amende de 19,7 milliards d'euros.
Mai 2017
Plan d'indemnisation
La justice américaine approuve le plan d'indemnisation de 600 000 clients de Volkswagen, qui a plaidé coupable de fraude. Le groupe aura payé plus de 22 milliards de dollars d'amendes et dédommagements.
Les constructeurs automobiles allemands semblent n'avoir reculé devant aucune expérimentation pour tenter de démontrer l'innocuité du diesel. Le Groupe européen de recherche sur l'environnement et la santé dans le secteur du transport (EUGT), organisme financé entre 2007 et 2017 par Volkswagen, Daimler et BMW, ainsi que par l'équipementier Bosch, a réalisé des tests sur des singes et des humains pour mesurer les effets des oxydes d'azote (NOx) et notamment du dioxyde d'azote (NO2), gaz très toxique émis par les véhicules à motorisation diesel.
Steffen Seibert, le porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel, a qualifié ces expériences d'" injustifiables d'un point de vue éthique " et a réclamé des comptes aux  constructeurs. " La confiance en l'industrie automobile est à nouveau écornée ", a réagi le ministre allemand des transports et de l'agriculture, Christian Schmidt, précisant que les groupes concernés seraient convoqués devant la commission d'enquête du Bundestag mise en place après le scandale du " dieselgate ". En septembre  2015, Volkswagen avait été contraint de reconnaître le trucage de 11  millions de ses véhicules pour minorer les rejets de NOx lors des tests d'homologation.
" Ecœurée ", la ministre de l'environnement Barbara Hendricks devait participer, mardi 30  janvier – avec ses homologues français et italien –, à un sommet exceptionnel organisé à  Bruxelles par la Commission européenne pour les Etats menacés de poursuites judiciaires pour des dépassements répétés des limites d'exposition au NO2. " Les dessous de ce scandale doivent être rapidement mis au jour ", a-t-elle exhorté.
Macaques et dessins animésCette nouvelle affaire, que d'aucuns ont déjà baptisé le " monkeygate ", a été révélée en deux temps par la presse. Le 25  janvier, sur la base de documents issus d'une action de groupe visant Volkswagen aux Etats-Unis, le New York Times aexpliqué que l'EUGT avait réalisé une étude sur des singes dans le but de " prouver que les véhicules diesel de technologie récente sont plus propres que les vieux modèles ". Le protocole ? Dix macaques, enfermés dans une pièce pendant quatre heures, devaient respirer les gaz d'échappement d'une Beetle, la successeure de la Coccinelle. Pour tuer l'ennui, ils étaient installés devant des dessins animés. L'expérimentation a été menée dans un laboratoire d'Albuquerque (Nouveau-Mexique) en  2014.
Deux ans plus tôt, l'Organisation mondiale de la santé avait classé le diesel comme cancérogène. L'étude de l'EUGT n'a débouché sur aucune publication et le scientifique chargé de l'expérience a déclaré sous serment ignorer si la Beetle était équipée du fameux logiciel truqueur. Les pièces de la procédure montrent en revanche que Volkswagen a eu un " rôle leader " puisque des ingénieurs de la firme ont supervisé l'installation du véhicule sur un tapis roulant.
Le géant allemand a présenté ses excuses et pris ses " distances avec toute forme de maltraitance animale "" Nous sommes convaincus que la méthode scientifique choisie à cette époque était erronée, a déclaré le groupe de Wolfsburg. Il aurait été préférable de renoncer à  une telle étude dès le début. " Stephan Weil, le ministre-président de Basse-Saxe, un Land actionnaire de Volkswagen, l'a jugée " aussi immonde qu'absurde ".
Le scandale a monté d'un cran, lundi 29  janvier, quand la Süddeutsche Zeitung et laStuttgarter Zeitung – le quotidien de Stuttgart où Daimler a son siège – ont révélé que les expérimentations conduites par l'EUGT concernaient aussi des humains.
" Tromperie aggravée "Entre 2012 et 2015, vingt-cinq jeunes adultes en bonne santé ont joué les cobayes. Cette fois, l'expérimentation ne se déroulait pas à Albuquerque mais à l'hôpital universitaire d'Aix-la-Chapelle. Une fois par semaine, ces personnes étaient exposées pendant trois heures dans une pièce de 40  m2 à des concentrations de NO2 pouvant atteindre jusqu'à trois fois la valeur limite d'exposition professionnelle (950  microgrammes par mètre cube). A chaque séance, ils devaient de surcroît passer un moment à pédaler sur un vélo d'appartement. Publiée en  2016, l'étude a  conclu à l'absence d'" effets inflammatoires sur les voies respiratoires " des cobayes.
Le groupe Daimler s'est dit " consterné " par " la mise en place et l'ampleur de ces tests "et a " condamné fermement " cette étude. La firme de Stuttgart, qui produit les Mercedes, assure n'avoir aucun lien avec ces recherches mais indique qu'elle va tout de même diligenter une enquête. De son côté, BMW a démenti y avoir participé.
Pour l'EUGT, qui a cessé ses activités en  2017, emporté par le dieselgate, les tests pratiqués à Aix-la-Chapelle n'ont " rien à voir avec le scandale du diesel " ni avec ceux menés sur les singes. Leur but était d'évaluer les effets de l'exposition au NO2 sur le lieu de travail, " pour les conducteurs de poids lourds, les mécaniciens ou les soudeurs ", afin de recommander une éventuelle baisse des seuils réglementaires, soutient l'institut dont le directeur, le toxicologue munichois Helmut Greim, a été au centre de plusieurs conflits d'intérêts et a  notamment fait partie d'un groupe d'experts de Monsanto sur le glyphosate.
En France, ces nouveaux éléments ne devraient pas manquer d'intéresser les juges du pôle santé du tribunal de grande instance de Paris, chargés de l'information judiciaire pour " tromperie aggravée " qui vise Volkswagen. Entendu comme témoin assisté en mars  2017, le constructeur allemand " conteste que les véhicules - qu'il - a commercialisés aient pu, par leur utilisation, présenter un quelconque danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, ainsi qu'il est prétendu dans la convocation qui nous a été adressée ", selon le procès-verbal d'audition que Le Monde a pu consulter.
Une étude publiée en mai  2017 dans la revue Nature évaluait à 38 000 le nombre de morts prématurées causées sur la planète, en  2015, par les excès d'oxydes d'azote du " dieselgate ".
Stéphane Mandard
© Le Monde



31 janvier 2018

Les constructeurs allemands accumulent les scandales

Après le dieselgate, la nouvelle affaire des tests pourrait annoncer le crépuscule de cette technologie

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Lundi soir, à Ludwigsburg, dans la banlieue de Stuttgart, Volkmar Denner est sur la défensive. Le patron de Bosch, le plus gros sous-traitant automobile du monde, était venu parler des bons chiffres de son groupe et des avancées de sa stratégie numérique. Au lieu de cela, il est criblé de questions sur l'avenir de la technologie emblématique du groupe, le diesel. Difficile d'y échapper, tant le scandale des tests de gaz d'échappement des moteurs diesel sur des singes et des humains ébranle le pays. La colère gronde jusque dans les rangs du gouvernement : son porte-parole a condamné fermement, lundi, la pratique et le sens de ces tests.
" L'industrie automobile fait face à une crise de confiance, il faut que nous nous efforcions de la reconquérir ", dit M. Denner, tout en critiquant les tests. Il précise que son groupe est sorti dès 2013 du désormais fameux groupe européen de recherche pour l'environnement et la santé dans le secteur des transports, centre de recherche fondé en  2007 à des fins de lobbyisme avec BMW, Daimler et Volkswagen, à l'origine des tests controversés. Bosch n'a apparemment pas eu vent des essais sur les animaux, réalisés après son départ. Malgré la gravité du cas, Volkmar Denner refuse de croire que le diesel ait épuisé sa crédibilité. " Nous devons revenir aux faits et arrêter de mettre de l'émotion dans ce débat. Nos moteurs diesel respectent les normes imposées par l'Union européenne pour 2020 ", assène-t-il.
Jours de pollutionMais peut-on se fier à une industrie qui multiplie les scandales depuis deux ans ? A une technologie qui, malgré les progrès annoncés en matière de dépollution sur les moteurs les plus récents, accumule un si lourd bilan ? Cette affaire pourrait bien annoncer le crépuscule du diesel, déjà frappé de désamour en Allemagne et dans d'autres pays européens comme la France. Outre-Rhin, le pourcentage de véhicules diesel est en chute libre : il représentait 38,8  % des nouvelles immatriculations en décembre  2017, contre 48  % en décembre  2015, selon les chiffres du KBA, l'autorité de contrôle des véhicules à moteur. Ce déclin pourrait s'accélérer : les grandes villes allemandes, qui dépassent régulièrement les normes de pollutions exigées par l'UE, pourraient se voir appliquer des restrictions de circulation. La menace effraie les automobilistes, qui se tournent de plus en plus vers les moteurs essence.
La ville de Stuttgart et le Land de Bade-Wurtemberg, patrie de l'automobile, ont été condamnés en  2017 par la justice administrative locale pour avoir trop peu lutté contre le dépassement grave et régulier des normes en matière d'oxydes d'azote. Pour gagner du temps, les autorités locales ont fait appel de la décision, qui prévoyait, à partir du 1er  janvier 2018, des interdictions de circuler pour les véhicules diesel les jours de pollution. A Munich, lundi 29  janvier, le tribunal administratif a condamné le gouvernement de Bavière à une amende pour n'avoir pas préparé les restrictions contre les moteurs diesel sur les axes les plus pollués de la ville, malgré un arrêt rendu en ce sens en  2017. D'autres villes pourraient suivre. Une décision du tribunal administratif fédéral sur l'application pratique des restrictions de circulation est attendue pour février.
L'association écologiste Deutsche Umwelthilfe, qui lutte depuis plusieurs années contre la pollution dans les grandes villes allemandes, est peu à peu en train d'obtenir gain de cause devant les tribunaux. L'association considère que les autorités des Länder se rendent coupables d'inaction face aux taux d'oxyde d'azote dans l'air des grandes villes, qui dépasse régulièrement les normes exigées par l'Union. Mardi, la ministre allemande de l'environnement, Barbara Hendricks, doit se rendre à Bruxelles pour défendre la politique allemande de lutte contre la pollution, sans quoi le pays risque d'être sanctionné par la Commission.
Actualiser les logicielsLa situation est si tendue que la chancelière l'a mise à son agenda. A l'été 2017, lors du " sommet du diesel ", Angela Merkel avait accordé des aides de 1  milliard d'euros aux communes pour les aider à lutter contre la pollution et éviter les interdictions de circuler. Les constructeurs, de leur côté, ont accepté d'actualiser les logiciels des moteurs, ainsi que des primes pour le remplacement des véhicules anciens. Mais l'effet de ces mesures pourrait être trop lent, ou insuffisant. Selon une étude publiée dimanche 28  janvier par l'institut de recherche sur l'automobile CAR, de l'université de Duisburg-Essen, dix villes allemandes pourraient être bientôt obligées de restreindre la circulation les jours de grande pollution, sous peine d'être condamnées.
" L'analyse montre qu'en Allemagne, sans réparation invasive des véhicules - modification de la mécanique - , on ne pourra pas échapper aux interdictions de circuler des véhicules diesel ", explique Ferdinand Dudenhöffer, auteur de l'étude. Les grandes métropoles de Munich, Stuttgart, Cologne, Hambourg, Kiel et Düsseldorf seraient concernées par les restrictions, précise l'étude, qui a compilé les données de pollution aux oxydes d'azote collectées par l'Office fédéral pour l'environnement en  2017. Elles montrent que les limites de pollutions ont été dépassées l'an dernier, malgré un léger mieux.
" Les interdictions de circuler ne seraient pas seulement dramatiques pour les automobilistes et les villes, mais aussi pour les constructeurs. Ces derniers devraient se montrer plus ouverts aux réparations mécaniques des véhicules ",poursuit l'expert, qui suggère, pour financer la mesure, de mettre fin au privilège fiscal accordé au diesel depuis trente ans.
Cécile Boutelet

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