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dimanche 10 décembre 2017

Martin Schulz réélu président d'un SPD divisé

9 décembre 2017

Martin Schulz réélu président d'un SPD divisé

Malgré leur scepticisme, les sociaux-démocrates ont approuvé les pourparlers avec la CDU-CSU, en vue d'une coalition

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SCHULZ PRÔNE DES " ETATS-UNIS D'EUROPE "
Martin Schulz a plaidé, jeudi 7 décembre, pour la création d'" Etats-Unis d'Europe " d'ici à 2025, défendant l'idée d'une -Europe " fédérale " fondée sur un " traité constitutionnel ". Celui-ci sera " présenté à tous les pays membres, et ceux qui le refuseront sortiront automatiquement de l'Union européenne ", a-t-il dit -devant les délégués du SPD réunis en congrès à Berlin. La proposition a été accueillie fraîchement par Mme Merkel, avec qui M. Schulz s'apprête à engager des pourparlers en vue d'une coalition. " Je pense que le plus important est d'avoir la capacité d'agir, pas de définir des objectifs, comme certains sont toujours tentés de le faire ", a répliqué la chancelière.
Martin Schulz a obtenu ce qu'il voulait. Réunis en congrès à Berlin, les 625 délégués du Parti social-démocrate (SPD) l'ont réélu, jeudi 7  décembre, à la présidence de celui-ci. Certes, son score (81,9 %) n'est pas triomphal. Mais il a fait mieux que son prédécesseur, Sigmar Gabriel, qui, en  2015, n'avait recueilli que 74,6  % des voix. Pour l'ancien président du Parlement européen, ce n'est pas si mal : après la débâcle du SPD aux législatives du 24  septembre (20,5  %, le pire score de son histoire), certains pensaient que ses jours à la tête du parti étaient comptés.
Crainte d'un désastre électoralLe SPD a donc un président. Mais l'Allemagne, elle, n'a toujours pas de gouvernement. Jeudi, les -sociaux-démocrates ont certes accepté la proposition de M. Schulz d'engager des pourparlers avec les conservateurs de la CDU-CSU pour former une nouvelle grande coalition. Mais l'issue des discussions reste " ouverte ", ont-ils tenu à préciser. Dans les prochaines -semaines, la direction du SPD va devoir arracher aux conservateurs suffisamment de concessions pour présenter à ses adhérents un compromis acceptable.
A l'issue des pourparlers, si la base du parti estime que le compte n'y est pas, il n'y aura pas de grande coalition. Il ne restera alors que deux options : la nomination d'un gouvernement minoritaire ou l'organisation de nouvelles élections. Pour M. Schulz, qui aura une première réunion, mercredi 13  décembre, avec Angela Merkel (CDU) et Horst Seehofer (CSU), c'est donc maintenant que le plus difficile commence.
Car le congrès l'a montré : s'ils sont d'accord pour discuter avec les conservateurs, les sociaux-démocrates n'ont en réalité qu'un très faible désir de gouverner de nouveau avec eux. Jeudi, des dizaines d'orateurs se sont succédé au micro pendant quatre heures pour le marteler. Et à l'extérieur de la salle du palais des congrès où avaient lieu les débats, rares étaient ceux qui abordaient avec enthousiasme la perspective d'une nouvelle grande coalition.
Ainsi de Dagmar Becker. Membre du Parlement de Thuringe depuis 1994, cette sexagénaire n'est " pas contre l'idée de discuter  avec les conservateurs ". Mais elle sait déjà ce qu'elle fera : " Quelle que soit l'issue des pourparlers, je dirai non à une grande coalition. Regardez ce qui s'est passé la dernière fois : nous avons obtenu d'arrache-pied que le contrat de coalition prévoie la mise en œuvre du salaire minimum. Une fois au gouvernement, nous l'avons fait, ainsi que quelques autres réformes auxquelles nous tenions. Résultat : on s'est fait balayer aux législatives. "
L'argument revient en boucle. " S'engager dans une nouvelle grande coalition serait un suicide politique ", estime Annika Klose, la présidente de la fédération berlinoise des " Jusos ", les jeunes socialistes. Ceux-ci étaient opposés à l'ouverture de pourparlers avec la CDU-CSU. S'ils n'ont pas obtenu gain de cause, ils ne comptent cependant pas abdiquer. " Nous nous battrons jusqu'au vote des adhérents ", a prévenu Kevin Kühnert, leur président fédéral. Très actifs sur les réseaux sociaux, les Jusos ont lancé, le 1er  décembre, une pétition intitulée #NoGroKo (" non à une grande coalition "). Elle a déjà obtenu plus de 10 000 signatures.
La crainte d'un nouveau désastre électoral n'est pas la seule cause du peu d'appétence des sociaux-démocrates pour une large coalition. Angela Merkel en est une autre. Secrétaire du groupe SPD au Parlement de Meck-lembourg-Poméranie-Occidentale, Thomas Zischke n'est pas hostile par principe à l'idée de gouverner avec les conservateurs. Il n'est d'ailleurs pas d'accord avec ceux qui pensent que le parti sera forcément perdant à la fin. " Souvenez-vous de la toute première grande coalition, en  1966, avec Kurt Georg Kiesinger - CDU - chancelier et Willy Brandt - SPD - vice-chancelier. En  1969, c'est Brandt qui est devenu chef du gouvernement. Pour nous, ce ne fut pas une mauvaise opération ", rappelle ce quinquagénaire, au SPD depuis trente-cinq ans. En revanche, " si on pouvait éviter de rempiler avec Mme Merkel, ce serait vraiment mieux, car sa façon de gouverner, en aspirant systématiquement nos idées, nous a beaucoup nui ", explique-t-il.
Hostilité à la chancelièreL'hostilité à la chancelière semble aujourd'hui beaucoup plus forte au SPD qu'avant les législatives. Par exemple chez Matti Merker, 31 ans, secrétaire de section près de Darmstadt (Hesse). Comme tous ses camarades, ce militant estime que la participation du SPD à une grande coalition ne peut se faire que si la CDU-CSU s'engage sur quelques réformes, comme la hausse de la fiscalité sur les plus hauts revenus ou l'investissement massif de l'Etat fédéral en matière d'éducation.
Mais, comme beaucoup, il pense qu'Angela Merkel a fait son temps. " Entre les législatives de 2013 et celles de 2017, le SPD a perdu 5 points et la CDU-CSU en a perdu 8. Ça veut bien dire que les électeurs ont voulu sanctionner la grande coalition. Et on recommencerait la même chose ? Merkel est un symbole. Elle a bien géré le pays, mais il nous faut maintenant un nouveau chancelier, plus politique, avec plus d'idées, quelqu'un qui ne se contente pas de faire de la gestion au jour le jour ", estime ce jeune cadre du SPD.
Et si un gouvernement minoritaire était la solution ? L'expérience n'a jamais été tentée en Allemagne. Elle semble en séduire un certain nombre au SPD. " Voilà qui obligerait Merkel à enfin batailler pour aller chercher l'appui des parlementaires. Ça créerait du débat. Et nous, ça nous responsabiliserait plus qu'une coalition pépère où on se met d'accord au début sur une feuille de route qu'on suit sagement pendant quatre ans ", dit -Daniel Tietz, militant à Berlin. " Les gens ne veulent pas de nouvelles élections. Mais ils ne veulent pas non plus donner un blanc-seing à la CDU et à Merkel. Un gouvernement minoritaire peut donc être une option ", reconnaît Stephanie Kloos, responsable du SPD à Oppenheim (Rhénanie-Palatinat).
" Nous ne devons pas gouverner à n'importe quel prix, mais nous ne devons pas non plus refuser de gouverner par principe. Ce qui compte, c'est ce que nous sommes capables de faire ", a déclaré M. Schulz, jeudi midi, en ouverture du congrès. La formule a marqué les esprits, à tel point que beaucoup l'ont ensuite reprise à leur compte, afin d'argumenter pour ou contre une nouvelle grande coalition. Là est peut-être le problème.
En restant suffisamment flou, M.  Schulz a certes réussi à rassembler sur son nom, le temps d'un congrès, un parti à la fois divisé, désabusé et désorienté. Mais chacun sent que l'unité est fragile. " J'ignore ce qui finira par l'emporter. Peut-être que nos adhérents se laisseront convaincre par l'argument de la responsabilité, qui pèse très fort en Allemagne. Mais la base est vraiment très hésitante. Et quelle que soit l'issue de cette histoire, il y aura beaucoup à faire pour recoller les morceaux ", pronostique l'élue régionale de Thuringe, Dagmar Becker.
Thomas Wieder
© Le Monde

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