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dimanche 10 décembre 2017

Avec Johnny, sur le chemin de la postérité


Lu dans le DL du10.12.2017

LE BILLET PAR ANTOINE CHANDELLIER

Avec Johnny, sur le chemin de la 

postérité

Les cimetières sont remplis de gens formidables. Celui de Saint-Barth va recevoir un géant. N’ayons pas peur des mots, en temps de deuil national. Chateaubriand repose à Saint-Malo, face à l’Atlantique. Johnny Hallyday regardera le grand large de l’éternité depuis les Caraïbes. Loin du Panthéon, près du paradis fiscal, oseront ceux qui jugent qu’on en fait trop. 1 million de personnes sur les Champs et à la Madeleine, 6 heures de direct. Comment décrire l’adieu à l’idole des jeunes ? Irrationnel, démesuré ? Émouvant, fédérateur, aussi. Mais si la communion populaire fut spontanée, le flot d’émotion ne s’est-il pas gonflé de larmes de crocodile sur les joues d’intellectuels pour qui le showman était tout sauf un modèle de vie ? “La pompe n’ajoute rien à la gloire”, disait Macron, la veille, s’inclinant devant le cercueil d’un autre pilier de notre culture aux soubassements remontant à la France gaullienne. Parmi ceux qui pleuraient d’Ormesson combien l’avaient lu avant de le voir à la télé ?
Hier, les bikers se substituaient à la Garde républicaine et la Madeleine réservait une messe au garçon né dans la rue. Baroque et solennel, le protocole dépassait celui dû à un chef d’État. Pareil hommage de la Nation ne peut être le fruit du hasard. Johnny était ce révolutionnaire qui fit passer la chanson française de l’accordéon au rock. Mais encore ? L’alchimie entre un peuple et un artiste relève de l’inexplicable. Et si, dans l’art de la célébration, le sommet a été atteint, c’est le reflet d’une communauté qui, en proie au doute, se fabrique une mythologie pour se retrouver par-delà ses déchirures. Il lui faut des Dieux à vénérer, des héros à pleurer. Comme chez les Grecs, qui n’avaient pas de presse people, ces créatures sont à notre image. Ils sont le miroir de notre temps. Ainsi s’achève une semaine historique qui vit la France porter aux nues deux monstres sacrés de sa société du spectacle.

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