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mardi 21 novembre 2017

" Ventes aux enchères d'esclaves " : Tripoli ouvre une enquête

21 novembre 2017

" Ventes aux enchères d'esclaves " : Tripoli ouvre une enquête

Un reportage-choc diffusé par CNN a mis l'Union européenne et la Libye face à leurs responsabilités

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Face à l'émotion grandissante, le gouvernement libyen a décidé, dimanche 19  novembre, d'ouvrir une enquête sur les révélations de " ventes aux enchères d'esclaves " originaires d'Afrique subsaharienne. Cinq jours plus tôt, la chaîne américaine CNN avait montré dans un reportage des images inédites attestant l'existence de véritables " marchés aux esclaves " dans une zone proche de la capitale, Tripoli. Les faits rapportés sont " inhumains et contraires à la culture et à la tradition du peuple libyen ", a dénoncé un communiqué du ministère des affaires étrangères.
La réaction du gouvernement d'" union nationale ", soutenu par les Occidentaux et les Nations unies et qui contrôle d'une manière plutôt lâche la Tripolitaine (Libye occidentale), fait suite à un concert de condamnations émanant d'autorités africaines. Alpha Condé, chef d'Etat de la Guinée et président en exercice de l'Union africaine (UA), a fustigé " l'ignominie " d'une " pratique d'un autre âge ". Le président du Niger, Mahamadou Issoufou, a pour sa part convoqué dimanche l'ambassadeur libyen en poste à Niamey et demandé que le sujet soit inscrit à l'ordre du jour du sommet entre l'UA et l'Union européenne, prévu les 29 et 30  novembre à -Abidjan.
Pressions européennesLes révélations sur la réapparition de pratiques de type esclavagiste en Libye dont sont victimes les migrants subsahariens traversant le pays dans l'espoir de s'embarquer vers l'Europe ne sont pas nouvelles. En avril, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) avait dénoncé l'existence de " marchés aux esclaves " dans la ville méridionale de Sebha. Le  Monde s'en était aussi fait l'écho à plusieurs reprises, notamment lors d'une enquête sur " l'enfer migratoire en Libye " publiée le 16  août. " Ils nous ont vendus comme des chameaux, c'était le commerce d'esclaves ", témoignait ainsi Ernest Ikpotokin, un jeune Nigérian rencontré dans un centre de détention de Misrata et qui racontait le détail des violences, tortures, extorsion et travail forcé auxquels sont soumis l'essentiel des migrants en Libye. Le reportage de CNN est toutefois le premier à apporter des preuves documentaires – vidéo et son – de séances de ventes aux enchères de ces migrants au-delà de simples témoignages verbaux.
La controverse déclenchée par la diffusion de ce reportage ne vise pas que l'attitude des autorités libyennes, oscillant entre impuissance et connivence via des réseaux miliciens liés à certaines administrations d'Etat. Elle cible aussi les politiques de l'UE visant à endiguer le flux migratoire vers le continent, aboutissant de facto à l'accroissement de la population migrante bloquée en Libye. Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al-Hussein, a qualifié d'" inhumaine "l'aide fournie par l'UE aux autorités libyennes pour que celles-ci empêchent les migrants d'embarquer.
Ces pressions européennes, et notamment italiennes, ont abouti à un ralentissement notable du flux de migrants débarquant sur l'île sicilienne de Lampedusa. Sur le seul mois d'octobre, ces arrivées étaient évaluées par le ministre italien de l'intérieur à 5 979, soit 4,5 fois moins qu'en octobre  2016. Résultat, le nombre de migrants retenus dans des centres de détention libyens est passé à 20 000 personnes – contre 7 000 quelques mois plus tôt. Emprisonnés dans des conditions déplorables, ils sont exposés à tous les abus.
Frédéric Bobin
© Le Monde

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