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dimanche 19 novembre 2017

Les indépendantistes catalans, candidats en prison ou en exil

19 novembre 2017

Les indépendantistes catalans, candidats en prison ou en exil

L'ex-président Carles Puigdemont saura, le 4 décembre, s'il est extradé de Belgique, une quinzaine de jours avant les élections du 21 décembre

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C'est en Belgique que le dirigeant séparatiste Carles Puigdemont commencera à faire campagne pour les élections régionales qui se tiendront en Catalogne, le 21  décembre. Ainsi en a décidé la justice belge en reportant au 4  décembre sa décision sur le mandat d'arrêt émis par l'Espagne contre lui et quatre de ses anciens ministres pour avoir organisé, le 1er  octobre, un référendum illégal d'autodétermination.
La Chambre du conseil du tribunal de Bruxelles, une instance d'instruction n'a, comme prévu, pas pris de décision immédiate. Le juge unique a écouté le procureur réclamer l'exécution du mandat et fixé la suite des débats au 4  décembre, un jour avant le début de la campagne électorale catalane. Et c'est donc à ce moment-là que les avocats des cinq anciens responsables catalans plaideront. Ils maintiennent que leurs clients sont la cible d'une accusation à  caractère politique et non pénal et qu'ils ne peuvent dès lors être remis à la justice espagnole.
Porte dérobéeL'audience, qui s'est déroulée à huis clos, n'a duré qu'une heure, permettant seulement au représentant du parquet d'indiquer qu'il avait posé des questions complémentaires aux autorités espagnoles. Celles-ci étaient, selon lui, rendues nécessaires par le contenu du mandat ; elles portaient notamment sur les conditions de détention en Espagne.
Evitant la nuée de journalistes, notamment espagnols, les cinq responsables catalans et leurs défenseurs étaient entrés par une porte dérobée. A l'issue de ces -premiers débats, des avocats ont déclaré que, comme le veut la pratique, ils répondraient par écrit aux arguments du ministère public et plaideraient ensuite.
Selon eux, le procureur a signifié qu'il ne retenait pas le motif de corruption invoqué par Madrid, et que la rébellion et la sédition, également évoquées dans le mandat, pouvaient être qualifiées, en droit belge, de coalition de fonctionnaires et de détournements par fonctionnaires. Ces arguments seront combattus par la défense qui soutient, de son côté, que de telles incriminations n'existent pas en Belgique. Les avocats invoqueront aussi la question de la proportionnalité entre les faits reprochés et les peines encourues.
En attendant la décision de la justice, M.  Puigdemont va donc continuer à télécommander la politique catalane depuis Bruxelles. Les indépendantistes ont présenté, vendredi 17  novembre, leurs listes électorales sur lesquelles figurent douze des quatorze membres du gouvernement déchu par Madrid, le 27  octobre, lors de la mise sous tutelle de la région, dont certains sont en " exil " à Bruxelles ou en prison.
Malgré les appels à l'unité lancés par le président déchu, les deux principales formations séparatistes, le Parti démocrate de Catalogne (PDeCAT, droite) et la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), s'affronteront dans les urnes. Toutes deux réclament la restauration du " gouvernement légitime " catalan, " l'indépendance, la République et la liberté " et -demandent " le retour des prisonniers politiques et des exilés ".
M.  Puigdemont est désormais le nouveau chef de file d'une liste " transversale ", Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne), soutenue par le PDeCAT. Jordi Sanchez, chef de la puissante association indépendantiste Assemblée nationale catalane (ANC), en prison préventive depuis le 16  octobre, sera son numéro deux. Ont aussi été inclus d'anciens ministres de son gouvernement, dont deux sont exilés avec lui à Bruxelles, quandtrois autres sont en détention provisoire à Madrid.
La liste comprend de nom-breuses personnalités de la mouvance indépendantiste, mais qui ne sont pas du PDeCAT. Ce parti – refonte de Convergence démocratique de Catalogne de l'ancien président Jordi Pujol – se dilue ainsi dans cette formation que M.  Puigdemont a  voulue plus ample pour lutter contre la " répression brutale de l'Etat espagnol " et disparaît pour ainsi dire de l'échiquier politique catalan qu'il a dominé pendant plus de trente ans.
Le vice-président déchu, Oriol Junqueras, également derrière les barreaux, sera, lui, tête de liste de l'ERC devant sa numéro deux, Marta Rovira. L'ancienne présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell, poursuivie par la justice espagnole, et cinq ministres déchus – dont deux sont exilés à Bruxelles – sont aussi de la partie. Cette liste est " ouverte, généreuse et cherche à rassembler tous ceux qui veulent vaincre l'Etat - espagnol - dans les urnes ", a déclaré Sergi Sabria, le porte-parole de l'ERC. Si les anciens responsables séparatistes (éligibles jusqu'à ce que la justice se soit prononcée) ne peuvent finalement ni faire campagne – tout du moins en personne – ni occuper leurs postes, d'autres pourraient assumer leurs fonctions.
Messages confusDans une lettre aux militants, -diffusée le 15  novembre, M.  Junqueras a  ainsi laissé entendre que Marta Rovira pourrait devenir présidente de la Catalogne si l'ERC l'emportait. " Il est temps qu'une femme prenne les rênes du pays ", a assuré M. Junqueras en ajoutant toutefois que " M.  Puigdemont et tous les ministres " étaient " éga-lement les candidats " de l'ERC. L'une des responsables du -PDeCat, Marta Pascual, a même demandé que M.  Puigdemont " seul président légitime " soit de nouveau investi quel que soit le résultat des urnes.
Les indépendantistes ont récemment lancé des messages pour le moins confus. Ainsi, le 13  novembre, M.  Puigdemont a affirmé au quotidien belge Le Soir qu'il était prêt à accepter " une autre relation " avec l'Espagne. A Madrid, un député de l'ERC, Joan  Tarda, a, pour sa part, reconnu que la Catalogne n'était " pas encore indépendante ",car il n'y avait " pas eu une majorité de Catalans à l'avoir souhaité ".
Quant à l'ancien président catalan (2010-2016) Artur Mas, il a affirmé qu'il était peut-être un peu tôt pour penser à une République. " Ne nous fixons pas de délais trop courts ", a-t-il déclaré lors d'une conférence à Barcelone, jeudi, " car ils pourraient nous étouffer et nous faire prendre des décisions qui ne seraient pas les meilleures ".
Isabelle Piquer et Jean-Pierre Stroobants
© Le Monde

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