Translate

dimanche 19 novembre 2017

Brésil Lula prêt à " prendre le pouvoir " à la présidentielle de 2018


19 novembre 2017

Brésil Lula prêt à " prendre le pouvoir " à la présidentielle de 2018

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
Condamné pour corruption, Luiz Inacio Lula da Silva, dit " Lula ", à ce jour favori des sondages, se dit prêt à " prendre le pouvoir " s'il est élu à la présidentielle de 2018. Dans un entretien au Mondel'ancien président brésilien estime que la destitution de Dilma Rousseff, sa dauphine, en 2017, " fut un coup d'Etat ". Lula réfute les accusations dont il est l'objet à travers neuf procédures judiciaires, estimant qu'il n'y a " aucune preuve " de sa culpabilité. Il juge que l'actuel président, Michel Temer, " n'a pas de politique. Ce gouvernement rejoue Terminator 1 et 2. Il ne construit rien. Il détruit. "
page 4
© Le Monde


19 novembre 2017.

Lula : " Je peux encore aider les plus pauvres "

L'ancien président brésilien se défend face aux accusations judiciaires et explique qu'il est prêt à " prendre le pouvoir " lors de la présidentielle 2018

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
En 2010, Luiz Inacio Lula da Silva, dit " Lula ", quitte le pouvoir au Brésil après deux mandats, auréolé d'une popularité à plus de 80  %. Sept ans plus tard, sa dauphine, Dilma Rousseff, a été destituée, et le pays, secoué par l'enquête anticorruption " Lava Jato " (" lavage express "), s'enfonce dans une crise morale, économique et politique.
En dépit d'une condamnation pour corruption, Lula, du Parti des travailleurs (PT, gauche), prétend se présenter à l'élection présidentielle de 2018 pour remettre le Brésil sur les rails. Il est, à ce jour, favori des sondages.


Quelle est l'origine de la crise au Brésil ?

Nous avons sans doute commis des erreurs. Mais personne n'obtient 80  % d'approbation pour ses erreurs. Personne ne gagne le ballon d'or après avoir mal joué. En  2010, j'ai réussi à faire élire la première femme présidente, ce qui a heurté les conservateurs, car Dilma est aussi une ancienne guérillera. Elle a connu de très bons débuts. Les choses ont commencé à se détériorer en  2013. Quelque chose d'étrange planait dans l'air. La rue s'est mise à -contester le pouvoir, l'organisation de la Coupe du monde - de football en  2014 - et notre politique d'inclusion sociale.


Dilma Rousseff a-t-elle mal appréhendé cette crise ?

Nous avons commis une faute gravissime. Dilma a dit qu'elle n'allait pas engager de réformes. Puis elle a fait des réformes qui ont heurté les travailleurs en leur donnant le sentiment qu'on les avait trahis. Nos adversaires ont profité de cette fragilité pour créer des obstacles au Congrès, aidés par le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, un homme obscur. Bloquée par la Chambre des députés, Dilma ne pouvait plus gouverner.
Beaucoup disent qu'elle ne savait pas faire de la politique. Que sa façon de traiter l'économie était inappropriée. On a inventé beaucoup de choses. Nulle part dans le monde on ne destitue un chef d'Etat parce qu'il est impopulaire. Cette destitution fut un coup d'Etat. Contre Dilma, contre le PT et contre l'idée que Lula se représente. Les " putschistes " ont dit qu'ils allaient améliorer la situation du Brésil. On attend toujours.


Vous faites l'objet de neuf procédures judiciaires. Vous avez été, dans l'une d'elles, liée à la possession d'un triplex en bord de mer, condamné à plus de neuf ans de prison. Pouvez-vous être candidat à l'élection de 2018 ?

J'ai été condamné dans une procédure où le juge lui-même reconnaît que l'appartement n'est pas le mien et qu'il n'y a pas eu de détournement de fonds de Petrobras - groupe pétrolier public - . L'unique sentence possible était de m'innocenter. Mais le juge -Sergio Moro, otage des médias, était condamné à me condamner. Les procureurs, pris de mégalomanie, assurent que le PT voulait le pouvoir pour voler.
Leur comportement est celui d'analphabètes politiques. La police fédérale ment, le procureur ment et le juge Moro transforme ces mensonges en procédures judiciaires. Cela fait trois ans que la police enquête. Et jusqu'ici, il n'y a aucune preuve de ma culpabilité. Quant à ma candidature, ce n'est pas ma préoccupation. L'heure de vérité viendra et le PT décidera.


Vous évoquez une persécution politique, mais vos adversaires sont également visés…

Je ne parle pas de persécution. Je pense qu'il y a eu un objectif de criminaliser le PT. Et seulement après avoir détruit le PT, ils font ce qu'ils auraient dû faire -depuis le début : être justes et s'intéresser à tout le monde.


L'opération " Lava Jato " est-elle une bonne chose pour le Brésil ?

Je ne suis pas contre " Lava Jato ", je suis contre les excès et les mensonges. Toute politique -contre la corruption est bienvenue. Mais l'erreur de l'opération " Lava Jato " a été de politiser et de médiatiser les débats, de s'adonner à de la pyrotechnie.
Ce qui aurait dû être fait avec sérénité a été mis sous le feu des projecteurs. De plus, on ne peut laisser une enquête casser les entreprises. Ceux qui volent, ce sont les dirigeants, pas l'entreprise, sinon c'est le travailleur qui paie.


Ces affaires de corruption ont donné une image de vous bien éloignée d'un " Lula père des pauvres "…

Quand j'ai gagné les élections, j'ai pris un engagement avec ma conscience et avec le peuple brésilien pour que tous puissent petit-déjeuner, déjeuner, dîner. Pour que les enfants pauvres puissent aller à l'école, à l'uni-versité et avoir un emploi. Je me sens toujours du Sertao - partie désertique du Nordeste du Brésil - et je pense que je peux encore aider les plus pauvres.


Que pensez-vous de la politique du président Michel Temer ?

Il n'a pas de politique. Ce gouvernement rejoue Terminator 1 et 2. Il ne construit rien. Il détruit. Il réduit les investissements dans l'éducation, ce qu'il y a de plus -sacré, dans les sciences et la -technologie, et se défait du patrimoine public.


Si vous êtes élu, reviendrez-vous sur ses réformes, comme celle du travail ?

Si je gagnais les élections, je ferais un référendum pour demander au peuple son avis. Et ce sujet sera débattu au Congrès.


Lors de votre présidence, la croissance a été dopée par l'envolée des matières premières. Cette manne n'existe plus. Comment comptez-vous faire repartir l'économie ?

Le Brésil reste un producteur exceptionnel de matières premières. Mais si l'économie a bondi, c'est parce qu'on a créé 20  millions d'emplois, parce qu'on a augmenté le salaire minimum, parce qu'on a distribué la " bourse famille " - sorte de -revenu minimum versé aux plus humbles - à des millions de familles, parce qu'on a donné accès au crédit aux plus pauvres, parce qu'on a légalisé des  millions d'entrepreneurs individuels, parce qu'on a dopé les échanges internationaux, la production de voitures… Les pauvres sont devenus partie prenante de l'économie, l'argent a été distribué plus équitablement. C'est pour cela que l'économie du Brésil a crû. On peut réengager cette dynamique.


Le Brésil a-t-il les moyens d'une telle politique ?

Si on ne creuse pas de puits, on ne trouve pas d'eau. Il faut faire le premier pas et donner l'impulsion avec une politique de microfinancement : faire repartir la consommation intérieure grâce à une aide au crédit. Nous avons des banques pour aider à cela.


On dit que le Brésil aurait besoin d'un " Macron ", d'un homme neuf ?

Laissons M. Macron gouverner pour voir comment ça se passe. C'est une théorie qui a gagné les élections en France. Voyons la pratique. Et reparlons-nous dans cinq ans.


Les marchés financiers semblent préoccupés par votre candidature, perçue comme celle d'un populiste latino-américain…

Cette préoccupation des marchés est ridicule et hypocrite. Les marchés n'ont pas peur de Lula, car ils ont déjà vécu dans ce pays gouverné par Lula et ce fut l'un des meilleurs moments pour l'économie. Ce qui les effraie, c'est que je ne vais pas laisser vendre le patrimoine. On ne vendra pas l'Amazonie, on ne vendra pas Petrobras, Eletrobras ni les banques publiques. Et les marchés savent qu'on privilégiera la production à la spéculation.


Si vous êtes candidat et si vous êtes élu en  2018, quelle serait votre première mesure ?

Prendre le pouvoir.
propos recueillis par, Claire Gatinois
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire