Translate

mardi 21 novembre 2017

Angela Merkel, chancelière en sursis

21 novembre 2017.

Angela Merkel, chancelière en sursis

La dirigeante allemande est rattrapée par l'usure du pouvoir après son revers aux législatives du 24 septembre

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
C'était il y a tout juste un an. Le 20  novembre 2016, Angela Merkel déclarait sa candidature aux élections législatives lors d'une conférence de presse au siège de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), à Berlin. Le ton était grave et l'annonce manquait d'enthousiasme. " J'y réfléchis depuis des lustres. La décision de briguer un quatrième mandat est tout sauf anodine, après onze ans aux affaires ",avait-elle assuré, avant d'estimer que la campagne de 2017 serait " plus difficile que toutes celles qui ont eu lieu depuis la réunification allemande ", en  1990.
Mme  Merkel n'imaginait sans doute pas que l'histoire lui donnerait raison à ce point. Et qu'un an jour pour jour après cette candidature, elle se présenterait à nouveau devant les caméras, mais cette fois pour constater son impuissance. " Regrettant " la décision du Parti libéral-démocrate (FDP) de rompre les pourparlers engagés avec la CDU/CSU et les Verts en vue de former un nouveau gouvernement, c'est en " chancelière chargée des affaires  courantes " qu'elle s'est présentée à la presse, lundi 20  novembre vers 1 heure, se contenant d'assurer qu'elle ferait " tout son - possible pour que le pays soit bien gouverné dans les difficiles semaines à venir ". Elle ne s'est plus risquée à évoquer l'hypothèse d'un quatrième mandat.
Mme  Merkel n'en est pas à sa première tempête politique. Sa retraite a déjà été annoncée. A l'automne 2016, fragilisée par la crise des réfugiés et par la défaite historique des conservateurs en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, son fief électoral, où le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) avait devancé la CDU, son avenir politique semblait compromis. L'hebdomadaire Spiegel lui avait consacré un long dossier intitulé " L'automne du pouvoir ", dressant un parallèle avec les fins de mandat crépusculaires de Konrad Adenauer et d'Helmut Kohl.
FrondeMme  Merkel s'en était remise, sachant habilement tirer profit des craintes suscitées en Allemagne par l'instabilité internationale (Brexit, élection de Donald Trump…) pour redorer son blason, jouant à plein la carte de l'expérience. Cette stratégie lui permit de terrasser les sociaux-démocrates aux législatives du 24  septembre. Mais pas, en revanche, de consolider son autorité sur ses propres troupes.
De ce point de vue, l'échec des pourparlers de coalition place Mme  Merkel dans une situation inédite. Depuis les législatives, quelques voix se sont élevées, dans son camp, pour lui demander des comptes après le score historiquement bas (33  %) obtenu par les conservateurs. Au Bundestag, le score décevant de Volker Kauder, fidèle parmi les fidèles, lors de son élection à la présidence du groupe CDU, a été très commenté, les spécialistes des équilibres parlementaires ne manquant pas d'y voir le début d'une fronde motivée autant par des désaccords politiques que par des impatiences générationnelles. Ce que résuma un entretien croisé de Daniel Günther, le nouveau ministre-président du Schleswig-Holstein, 44 ans, et de Jens Spahn, 38 ans, secrétaire d'Etat aux finances et favorable à un tournant conservateur de la CDU. Paru dans laRheinische Post cet été, il était titré : " Il y aura un après-Merkel. "
Depuis le début des pourparlers avec les Verts et le FDP en vue d'une coalition, ces voix s'étaient faites plus discrètes. L'échec risque de les réveiller, et de conduire les rivaux de la chancelière au sein de son parti à poser la question : si celle-ci n'est plus capable de faire progresser la CDU dans les urnes et si l'un des talents qui lui étaient le plus volontiers reconnu – celui de bâtir des compromis et de former des coalitions – n'opère plus, n'est-ce pas qu'elle a fait son temps ?
Dans ce contexte particulièrement difficile, Mme  Merkel dispose d'un atout : pour prendre sa relève, personne ne s'impose avec évidence. Wolfgang Schäuble  est très apprécié dans le parti, mais à 75 ans, le nouveau président du Bundestag peut-il incarner l'avenir ? Ursula von der Leyen ? Expérimentée et solide, mais moyennement populaire dans la formation et surtout affaiblie par les quatre années qu'elle vient de passer au ministère de la défense. D'autres noms pourraient être cités, mais soit ils ont été trop associés à Mme  Merkel pour représenter une alternative, soit ils sont trop jeunes pour déjà prétendre aux premiers rôles.
Reste l'opinion. Longtemps, les bons sondages ont permis à la chancelière de conforter son autorité parmi les siens. De ce point de vue, ses adversaires ont sans doute observé avec une attention particulière celui publié dans Die Welt, vendredi 17  septembre. Question : " Pensez-vous que Mme  Merkel restera chancelière en cas d'échec des négociations ? " Réponse : " Non ", pour 61  % des personnes interrogées.
Thomas Wieder
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire