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dimanche 15 octobre 2017

Le parquet assimile Sarkozy à " un délinquant "

 
15 octobre 2017

Le parquet assimile Sarkozy à " un délinquant "

Dans son réquisitoire sur l'affaire des écoutes, le PNF réclame le renvoi de l'ancien président en correctionnelle

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L'AUTRE MENACE, L'AFFAIRE BYGMALION
Nicolas Sarkozy est sous la menace directe d'un autre procès : celui de l'affaire Bygmalion, portant sur la mise en place d'un système de fausses factures destiné à maquiller l'explosion de ses dépenses lors de la campagne présidentielle de 2012. Le 3 février, le juge Serge Tournaire a ordonné le renvoi en correctionnelle de l'ancien président, qui pourrait comparaître, aux côtés de treize prévenus, pour " financement illégal de campagne électorale ". M. Sarkozy a fait appel de l'ordonnance de renvoi au motif que le collègue de M. Tournaire, Renaud Van Ruymbeke, a refusé de la signer.
Les derniers espoirs de -Nicolas Sarkozy d'échapper à un procès dans l'affaire de corruption et de trafic d'influence qui le poursuit depuis plus de trois ans viennent sans doute d'être anéantis par le Parquet national financier (PNF). Au terme des 79 pages de leur cinglant réquisitoire, dontLe Monde a pris connaissance, les magistrats du PNF concluent sans ambiguïté qu'" il existe des charges suffisantes à l'encontre de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog d'avoir commis les faits de corruption et de trafic d'influence actifs pour lesquels ils ont été mis en examen ". Ils demandent leur renvoi en correctionnelle. Leur réquisitoire, daté du 4  octobre, va jusqu'à comparer les méthodes utilisées par les deux hommes à celles de " délinquants chevronnés "…
Ces réquisitions ouvrent la voie à un procès qui semble dé-sormais inéluctable. Patricia -Simon et Claire Thépaut, les deux juges d'instruction, dont les investigations sont ainsi -confortées par le ministère public, pourraient signer l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel d'ici à la fin de l'année. Pour la première fois, un ancien président de la République pourrait répondre de " corruption " au cours d'un procès public, où il comparaîtrait aux côtés de son avocat et ami Thierry Herzog et d'un ancien haut magistrat à la Cour de cassation, Gilbert Azibert.
Des lignes " occultes "MM. Herzog et Azibert sont également poursuivis pour " violation du secret professionnel " et recel de ce délit, la justice reprochant au premier d'avoir remis au second un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux rendu dans l'affaire Bettencourt. Comme le rappelle la longue chronologie établie par le PNF, c'est précisément ce dossier -Bettencourt, mais aussi, de -manière fortuite, l'affaire libyenne, qui sont à l'origine de cette affaire, révélée par Le Monde le 7  mars 2014.
En janvier  2014, les juges chargés de l'enquête sur un possible financement illégal de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy par le régime de Mouammar Kadhafi découvrent que l'ex-chef de l'Etat et son avocat communiquent sur des téléphones portables " secrets ", acquis sous une fausse identité, celle d'un certain Paul Bismuth. Les deux lignes, qualifiées d'" occultes " par le réquisitoire, sont alors à leur tour placées sur écoute par les enquêteurs.
" Lors de leurs communications sur cette ligne, résume le PNF, certains de bénéficier de la clandestinité qu'elle devait leur procurer, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ont abordé ensemble les moyens d'obtenir des informations privilégiées sur une instance en cours devant la Cour de cassation, portant, dans le cadre de l'affaire dite Bettencourt instruite à Bordeaux, sur la validité de la saisie des agendas appartenant à Nicolas Sarkozy. Ils ont régulièrement évoqué les moyens de tirer avantage de la présence au sein même de la Cour de cassation d'un haut magistrat qui leur était dévoué, rapidement identifié comme étant Gilbert Azibert, premier avocat général à la 2e chambre -civile de la Cour. "
Les conversations captées par les enquêteurs ont révélé qu'en contrepartie des informations confidentielles qu'il obtiendrait, Gilbert Azibert espérait, grâce à -l'appui de Nicolas Sarkozy, décrocher un poste de choix en principauté de Monaco. Comme l'indique le parquet, " l'expertise du téléphone occulte utilisé par Thierry Herzog a  -permis de confirmer qu'il était -dédié à ses seules communications avec la ligne occulte utilisée par -Nicolas Sarkozy, enregistrée dans ses contacts comme étant celle du “Sphinx” ".
Pour l'anecdote, les investigations ont établi, comme l'a rapporté Le Canard enchaînédu 11  octobre, qu'avant d'activer la ligne " Bismuth ", M. Sarkozy et son avocat avaient utilisé une première ligne secrète, ouverte cette fois sous l'identité de Gilda Atlan. Si M. Sarkozy a essentiellement utilisé ce premier téléphone " clandestin " pour converser en toute sécurité avec M. Herzog, des appels en direction du Qatar, des Etats-Unis et d'autres en France ont été identifiés par les enquêteurs. Le PNF note ainsi qu'a été contacté, à douze reprises entre le 28  septembre 2013 et le 28  janvier 2014, " un correspondant apparaissant également sur la ligne officielle de Nicolas Sarkozy, un homme prénommé Vincent utilisant une ligne ouverte au nom de la société Bolloré Participation à Puteaux "… Reste à savoir pourquoi Nicolas Sarkozy, un intime de Vincent Bolloré, conversait avec l'homme d'affaires sur une ligne secrète.
" Multiples et concordants "Le PNF accorde, dans son réquisitoire, un chapitre aux multiples -recours intentés par MM.  Sarkozy et Herzog, y voyant des manœuvres dilatoires : " Ouverte en février  2014 et considérée comme terminée en octobre  2016, l'information judiciaire, qui a duré trente-deux mois au total, a été paralysée plus de la moitié de ce temps, soit pendant dix-huit mois. "
Si M.  Sarkozy a tout fait pour ralentir la procédure, c'est à l'évidence en raison de son calendrier politique : bien décidé à emporter la présidentielle de 2017, il voulait à tout prix éviter d'être renvoyé devant un tribunal avant l'élection. Une fois élu, -immunité présidentielle oblige, il aurait été à l'abri des juges pour au moins cinq ans…
" Bien que ralentie par l'exercice de multiples recours, et même suspendue, se félicite en conclusion le PNF, - l'enquête - a permis de déterminer les conditions dans lesquelles Nicolas Sarkozy, par l'intermédiaire de Thierry Herzog, a bénéficié de la présence de Gilbert Azibert au sein de la Cour de cassation. Elle a également permis d'établir que Gilbert Azibert a tenté de tirer avantage de la situation en sollicitant, et en obtenant, en guise de récompense et de contrepartie, l'intervention de Nicolas Sarkozy au soutien de sa candidature pour un poste judiciaire à Monaco. " Le parquet est donc formel, " en dépit des dénégations des intéressés, les éléments à charge sont multiples et concordants ".
Parmi ceux-ci, le PNF insiste sur le fait que MM. Sarkozy et Herzog " ont utilisé pendant plusieurs mois des téléphones occultes pour passer une partie de leurs communications, celles qui, par nature, devaient échapper à une surveillance judiciaire. Les deux téléphones, achetés en janvier  2014 sous l'identité de Paul Bismuth puis utilisés selon un mode opératoire le plus souvent utilisé par des délinquants chevronnés cherchant à déjouer les surveillances judiciaires, n'étaient pas les premiers ".
Seule consolation pour les deux hommes, le PNF estime nécessaire d'abandonner les poursuites pour " recel de violation du secret professionnel " les visant, l'enquête n'ayant pu identifier qui les avait prévenus qu'ils étaient sur écoutes et les avait -incités à communiquer sur des -téléphones secrets.
En revanche, le parquet estime totalement constituées les infractions de " corruption "et de " trafic d'influence " reprochées aux trois mis en examen. " L'information judiciaire a mis en évidence des charges lourdes et concordantes à l'encontre de MM. Azibert, -Herzog et Sarkozy ", assure le PNF. Les avocats ont désormais un mois pour répondre aux réquisitions du parquet, dernière étape avant la rédaction par les juges de leur ordonnance définitive.
Gérard Davet, et Fabrice Lhomme

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