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samedi 30 septembre 2017

Mélenchon-Philippe : duo ou duel ?

29 septembre 2017
Laurent Joffrin
La lettre politique
de Laurent Joffrin

Mélenchon-Philippe : duo ou duel ?

Ce devait être un ring, ce fut le dernier salon où l’on cause. Souriants, détendus, quasi complices, Jean-Luc Mélenchon et Edouard Philippe se sont livrés jeudi soir dans l’Emission politique à un duel où les gants de boxe ont été remplacés par la brosse à reluire. «Je sais que vous êtes cultivé», dit Mélenchon à son interlocuteur qui rosit, lequel rend hommage au républicanisme de son adversaire qui sourit à son tour d’un air bonhomme. Du coup, Edouard Philippe, dont on suggérait qu’il pourrait être réduit en miettes par l’orateur impétueux de la France insoumise, a réussi son examen de passage médiatique. Un peu techno, un peu réservé, mais aussi ferme pour empêcher Léa Salamé de l’interrompre tous les trois mots, qu’habilement dialectique dans des réparties teintées d’un humour discret, il a installé un personnage de Premier ministre sûr de lui et pacificateur…
De toute évidence, Mélenchon avait laissé les couteaux au vestiaire, pour reprendre le ton patelin de sa fin de campagne présidentielle, tel un raminagrobis de la gauche radicale. On attendait le Grand Imprécateur, on eut le Grand Schtroumpf républicain et sa sagesse souriante. Pour un peu, ces deux-là partiraient bien en vacances ensemble dans un Village-Vacances-Familles.
Il y avait dans cet assaut d’amabilités comme un contentement partagé, un début de connivence. C’est qu’ils étaient tous deux ravis d’installer, dans une grand-messe télévisée, le storytelling des années qui viennent. Dans le monde d’hier, les mêmes rôles auraient été tenus par un LR et un socialiste, ou vice-versa. Sur la nouvelle scène, le duo des faux ennemis relègue droite et gauche classique dans les ténèbres extérieures : plus que de mener un débat acerbe entre libéralisme et populisme de gauche, c’était le but réel de ce duel de bisounours.
«Entre les communistes et nous, il n’y a rien», disait Malraux. «Entre nous deux, disent Mélenchon et Philippe, il n’y a plus grand-chose.» Tirant de cette constatation sur la faiblesse de ce qu’on appelait à l’époque «la gauche non communiste», un autre gaulliste avait prophétisé : «Si nous ne faisons pas de bêtises, nous sommes au pouvoir pour trente ans.»Comme tout s’accélère en ce bas monde, un macroniste pourrait dire aujourd’hui : «Dans cette configuration, si nous ne faisons pas de bêtises, nous sommes au pouvoir pour au moins dix ans.»

Et aussi

La réforme de l’ISF sera-t-elle le boulet du quinquennat ? Emmanuel Macron le craint, de toute évidence, tout en invitant les porte-parole de la République en marche à «assumer», il les engage à mettre en valeur les «mesures de pouvoir d’achat» prévues au budget. Il fait la semaine prochaine deux déplacements «sociaux», dont l’un chez les salariés de Whirlpool, où il avait victorieusement contré Marine Le Pen pendant la campagne de l’entre-deux-tours. Whirpool a trouvé une solution de reprise avec l’aide de l’Etat. Bonne nouvelle. Mais le rapport avec l’ISF est tout de même très lointain…
Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’Egalité hommes-femmes, souhaite pénaliser le harcèlement de rue qui touche, dit-elle, «100% des femmes», ce qui paraît hautement vraisemblable. Mesure plutôt progressiste qui suscite les quolibets de la droite conservatrice, laquelle moque la «criminalisation» bien-pensante de la drague urbaine. «J’adore qu’on me lance des compliments dans la rue», dit Natacha Polony, qui confond manifestement les compliments avec les attouchements ou les insultes sexistes. Mais voici qu’une escouade d’universitaires de la gauche radicale s’élève soudain avec force solennité dans Libé contre cette loi de protection des femmes. Pourquoi ? D’abord parce qu’elle sera inefficace (c’est possible, l’incrimination est difficile à définir et les plaintes risquent d’être rares…). Mais surtout parce que cette loi qui n’aura pas d’effets en aura quand même (on note la cohérence du propos : comment une loi qui ne s’applique pas peut-elle être dangereuse dans son application ?) Quel effet ? Viser en priorité les habitants des quartiers populaires «racisés».Ainsi on comprend que ces universitaires désignent les représentants des«minorités visibles» comme les premiers responsables du harcèlement de rue (alors qu’il n’y a évidemment rien de tel dans les attendus du projet, qui veut protéger les femmes en général). Pour avoir dit des choses de ce genre, Kamel Daoud avait été cloué au pilori par les mêmes courants politiques. Contradiction d’autant plus étrange que cette stigmatisation des minorités n’est appuyée sur aucune étude, sinon des impressions nées de quelques vidéos. Croit-on sérieusement que les machistes se recrutent uniquement parmi les hommes issus de l’immigration ? Nul harcèlement de la part de beaufs bien de chez nous ? Et s’il y a vraiment harcèlement (il y a en a sans doute plus dans les quartiers pauvres que dans les quartiers riches, question sociale et non forcément culturelle), faut-il moduler la loi en fonction de l’origine ethnique du contrevenant ? A force de racialiser le féminisme, on arrive à des absurdités.
LAURENT JOFFRIN
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