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dimanche 24 septembre 2017

Les Crises.fr - Sphère d’influence : comment les libertariens US refont la politique latino-américaine, par Lee Fang

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24
Sep
2017

Sphère d’influence : comment les libertariens US refont la politique latino-américaine, par Lee Fang


Source : The Intercept, Lee Fang, 09-08-2017

Photo d’illustration : The Intercept. Photo AP
Pour Alejandro Chafuen, le rassemblement qui a eu lieu au printemps dernier à l’hôtel Brick de Buenos Aires était autant un retour au pays qu’un tour d’honneur. Chafuen, un méricano-Argentin dégingandé, a passé sa vie d’adulte à saper les mouvements sociaux et les gouvernements de gauche en Amérique latine et centrale, et à promouvoir à leur place une version du libertarianisme favorable au business.
Pendant des décennies, cela a été un combat solitaire, mais pas dernièrement. Chafuen était entouré d’amis au Forum de 2017 sur la liberté en Amérique latine. La rencontre internationale de militants libertariens était sponsorisée par la Fondation Atlas de Recherche économique, une organisation à but non lucratif pour la formation en leadership, maintenant simplement connue comme le réseau Atlas (Atlas Network), que Chafuen dirige depuis 1991. A l’hôtel Brick, Chafuen se délectait de ses récentes victoires : ses années de travail commençaient à payer, grâce aux circonstances politiques et économiques — mais aussi grâce au réseau de militants que Chafuen avait mis tant de temps à construire.

Ces 10 dernières années, les gouvernements de gauche ont utilisé « l’argent pour acheter des votes, pour redistribuer », dit Chafuen, confortablement assis dans le hall de l’hôtel. Mais la récente chute des prix des matières premières, couplée avec des scandales de corruption, a donné l’occasion aux groupes du Réseau Atlas de passer à l’action. « Quand il y a une opportunité, vous avez une crise, et il y a des exigences de changement, vous avez des gens qui sont formés à la promotion de certaines politiques », a observé Chafuen, paraphrasant feu Milton Friedman. « Et dans notre cas, nous avons tendance à privilégier les solutions privées aux problèmes publics. »
Chafuen a désigné les nombreux leaders affiliés au réseau Atlas maintenant sous les feux de la rampe : des ministres dans le nouveau gouvernement conservateur en Argentine, des sénateurs en Bolivie, et les dirigeants du Mouvement Brésil Libre, qui a fait tomber la présidente Dilma Rousseff, où le réseau de Chafuen a pris naissance sous ses propres yeux.
« Au Brésil j’ai été dans les manifestations de rue, et je me dis d’un coup : “Hé ! Ce gars que j’ai rencontré quand il avait 17 ou 18 ans — il est là dans le bus et il dirige ça. C’est dingue !” » s’exclame Chafuen, tout excité. Ceux qui gravitent autour du réseau Atlas étaient tout aussi excités de tomber sur Chafuen à Buenos Aires. Des militants de divers pays l’arrêtaient de temps à autres pour chanter ses louanges quand il traversait l’hôtel. Pour beaucoup d’entre eux, Chafuen, depuis son piédestal dans le réseau Atlas, a servi de mentor, de mécène et de balise de guidage pour un nouveau paradigme politique dans leur pays.

À gauche, le président renversé du Honduras,Manuel Zelaya, les yeux baissés, à bord d’une voiture dans les faubourgs de San José sur la route de l’aéroport pour prendre un avion vers le Nicaragua, le 28 juin 2009. Photo : Kent Gilbert/AP
Un virage à droite est en cours dans la politique latino-américaine. Des gouvernements socialistes triomphants s’étaient à un moment répandus pendant la majeure partie du début du 21e siècle – de Cristina Fernandez de Kirchner en Argentine au populiste favorable à la réforme agraire Manuel Zelaya au Honduras – défendant de nouveaux programmes pour les pauvres, nationalisant des entreprises, et défiant la domination US sur les affaires de l’hémisphère.
Cependant, ces dernières années les dirigeants de gauche sont tombés l’un après l’autre, parfois de façon spectaculaire. Zelaya fut sorti du palais présidentiel en pyjamas par un coup d’État militaire ; en Argentine, un baron de l’immobilier a été porté à la présidence et Kirchner a été inculpée pour corruption ; et au Brésil, le Parti es Travailleurs qui était au pouvoir et qui était confronté à un scandale de corruption grandissant fut balayé par une procédure de destitution pour des accusations de magouilles budgétaires.
Ce virage peut sembler faire partie d’un rééquilibrage régional plus large, simplement sous l’effet des circonstances économiques. Et pourtant le Réseau Atlas semble omniprésent, comme un fil conducteur faisant bouger les développements politiques.
On n’a jamais raconté toute l’histoire du Réseau Atlas et de son impact profond sur l’idéologie et sur le pouvoir politique. Mais des archives d’entreprises et des rapports provenant de trois continents, ainsi que des interviews de dirigeants libertariens dans tout l’hémisphère, révèlent l’étendue de l’histoire de son influence. Le réseau libertarien, qui a remodelé le pouvoir politique pays après pays, a également fonctionné comme une extension discrète de la politique étrangère des USA, avec les laboratoires d’idées associés au réseau Atlas et discrètement subventionnés par le Département d’État et la Fondation Nationale pour la démocratie [National Endowment for Democracy, NED] , une tentacule essentielle du « soft power » US....

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