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dimanche 24 septembre 2017

Les Crises.fr - La logique vouée à l’échec du Russie-gate, par Robert Parry

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23
Sep
2017

La logique vouée à l’échec du Russie-gate, par Robert Parry


Source : Robert Parry, Consortium News, 12-08-2017
Les Démocrates et le Congrès, en mettant sur le devant de la scène le « scandale » du Russie-gate et en empêchant le président Trump de diriger la diplomatie, ont encouragé ses soutiens à la guerre en Corée du Nord, écrit Robert Parry.
La logique de présenter le Russie-gate comme excuse à la défaite d’Hillary Clinton a toujours été biaisée — au-delà du fait que ce lien était fondé sur une « évaluation » douteuse réalisée par une petite équipe « triée sur le volet » d’analystes du renseignement américain. Le biais a amené à pousser un Donald Trump, dont le cuir n’est pas épais, vers un de ses rares penchants en matière de diplomatie.
Le Président Trump lors de son bref discours, expliquant à la nation sa décision de lancer une frappe de missiles contre la Syrie le 6 avril 2017 (capture d’écran de Whitehouse.gov)
Nous en voyons à présent les résultats, dans un jeu très dangereux, où Trump joue l’esbroufe face à la Corée du Nord, qui a fait l’objet de mesures de sanctions économiques agressives — au même titre que la Russie et l’Iran — que le Congrès a voté comme un seul homme, sans l’opposition d’un seul Démocrate.
Les Démocrates et les néoconservateurs dominant les cercles officiels de Washington ont traité la loi de sanctions comme s’il s’agissait d’un vote de défi envers la présidence de Trump, mais cela ne l’a gêné que pour la possibilité de négocier la paix, pas de faire la guerre.
La loi, signée par Trump contre sa volonté, fait monter les tensions avec ces trois pays, tout en limitant les possibilités pour Trump de lever les sanctions. Après avoir ratifié cette loi, Trump a dénoncé le texte comme « sérieusement bancal — principalement pour son entrave aux possibilités de négociation du pouvoir exécutif ».
Comme le montrent ses « déclarations de signature », Trump s’est senti diminué par cette action du Congrès. Sa réponse : monter d’un cran la rhétorique guerrière envers la Corée du Nord, une esbroufe qui semble être son positionnement par défaut quand il se trouve sous pression.
Souvenez-vous, au mois d’avril, quand l’hystérie du Russie-gate allait croissant, Trump avait changé de sujet, rapidement, en prenant une décision hâtive face à l’incident d’armes chimiques supposé de Khan Cheikhoun, en Syrie ; il avait alors lancé 59 missiles Tomahawk contre une base de l’armée syrienne.
Il avait immédiatement été approuvé par le cercle officiel de Washington, même si Hillary Clinton et d’autres faucons s’étaient mis à dire qu’il aurait dû aller plus loin et viser une invasion bien plus large de la Syrie par les USA, par exemple en mettant en place une « zone d’exclusion aérienne », même si cela amenait le risque d’une guerre nucléaire contre la Russie.
La leçon que Trump a retenue de cet épisode, c’est que même s’il s’arrête à mi-chemin, il est récompensé quand il choisit une option militaire. (Une analyse plus approfondie des éléments tangibles de Khan Cheikhoun mit plus tard au jour de sérieux doutes sur la thèse de la culpabilité de l’armée syrienne.)
Des provocations de cour d’école
Voici donc que le président Trump se retrouve dans un échange d’invectives dignes d’une cour d’école avec le dirigeant de la Corée du Nord, où la rhétorique de Trump de « feu et fureur comme le monde n’en a jamais vu » peut plonger les États-Unis dans une confrontation, avec à la clé des conséquences épouvantables pour la péninsule coréenne, le Japon, et de fait, le monde entier.
Le Caporal du corps des Marines Justin Morrall en préparation pour un exercice de traque d’une nuit du programme 17-6 près de Camp Mujuk, à Pohang, en Corée du Sud, le 30 mars 2017 (photo du corps des Marines par le Sergent Ally Beiswanger)
En partant du fait que le monde a déjà vu les États-Unis détruire par le feu nucléaire deux villes japonaises, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les mots choisis par Trump semblent indiquer que les États-Unis sont prêts à utiliser des armes nucléaires contre la Corée du Nord (même s’il est possible qu’il ne parle « que » de raser le pays avec des armes conventionnelles).
Si des armes nucléaires sont mises en œuvre, il est difficile de concevoir quelles pourraient être les conséquences à long terme. Il est peu probable que Trump — pas connu pour penser avec des coups d’avance — ait anticipé ce type de scénario.
Quoi qu’il en soit, même une guerre « limitée », sur base d’armes conventionnelles, et bornée à la péninsule de Corée, pourrait faire des centaines de milliers de victimes et secouer sévèrement l’économie mondiale. Si la Corée du Nord parvenait à envoyer des représailles sur le Japon, une catastrophe humaine et une panique financière pourraient suivre.
De nombreuses personnes réfléchies s’inquiètent à présent du comportement erratique de Trump, mais pour beaucoup, ce sont les mêmes qui ont accueilli les annonces de Russie-gate comme moyen d’isoler Trump politiquement. Ça n’a pas semblé leur poser problème que le « scandale » ait été construit surdes preuves fragiles ou fictives, ni qu’un point clé de l’argumentaire – que « l’ensemble des 17 agences de renseignement » ait approuvé le scénario du piratage russe — soit faux.
Après la disparition de ce faux « consensus » — ce qui est arrivé, quand le responsable du renseignement du président Obama a confirmé que les « conclusions » du 6 janvier étaient le travail d’analystes « triés sur le volet » de seulement trois agences — on aurait dû voir un recul sur cette pensée de meute autour du Russie-gate. On aurait dû voir les gens exiger que les hypothèses sous-jacentes soient réexaminées.
Mais voilà, à ce moment-là, trop de personnes importantes, parmi lesquelles des rédacteurs en chef et des directeurs des principales agences d’information, avaient pris pour argent comptant la culpabilité de la Russie, mettant ainsi leur réputation en danger. Alors, afin de protéger leur inestimable carrière, tout doute sur la culpabilité de la Russie devait être broyé et la sagesse populaire renforcée.
Ce mécanisme d’autodéfense égocentrique est devenu la toile de fond de l’ordonnance de sanctions anti Russie-Iran-Corée du Nord. Dès lors, on ne pouvait plus autoriser d’autre mode de pensée sur le Russie-gate, mais en plus la résistance de Trump à cette pensée de meute devait être cassée, abîmant au passage ses prérogatives présidentielles à conduire la diplomatie.
Tout heureux de plaire à la #Resistance démocrate, qui voit le Russie-gate comme voie ouverte pour la procédure de destitution de Trump, les démocrates — des néoconservateurs comme le sénateur Ben Cardin aux anti-interventionnistes comme le Républicain Tulsi Gabbard — ont rejoint la ruée vers l’ordonnance de sanctions.
Dans leur précipitation, les Démocrates ont même réussi à mettre la réussite diplomatique d’Obama en danger, à savoir l’accord international mettant un arrêt à l’arme nucléaire iranienne. Obama avait promis à l’Iran un allègement de sanctions, pas des sanctions en plus. A présent, les chances de voir l’accord s’effondrer sont en hausse, et les rêves néoconservateurs de bombarder, bombarder et bombarder l’Iran reviennent à la surface.
Au final, en ajoutant la Corée du Nord dans le mélange, les Démocrates n’ont pas laissé beaucoup d’autres choix à Trump que de libérer son côté belliqueux, et de plonger le monde vers un possible cataclysme.
Voilà, c’est tout ce que l’opportunisme autour du Russie-gate a forgé. La fausse logique derrière le Russie-gate pourrait bien se révéler fatale.
Le journaliste d’investigation Robert Parry a fait paraître de nombreux articles sur l’Iran et les Contra pour l’Associated Press et Newsweek dans les années 80.
Source : Robert Parry, Consortium News, 12-08-2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

18 réponses à La logique vouée à l’échec du Russie-gate, par Robert Parry

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FritzLe 23 septembre 2017 à 08h52
Tous ces gens me dégoûtent : les journalistes, les congressistes américains, Donald Trump. Coincés par leurs propres mensonges, ils suivent la pente de leur conformisme, et comme un troupeau, ils vont à l’abattoir. Sauf qu’ils nous entraînent avec eux vers l’abattoir.
Merci à M. Parry pour avoir analysé la psychologie de ces crétins criminels. J’avoue que si ce pays pourri-gâté, puéril et suffisant, se prenait une bonne rouste sur son territoire, j’en serais ravi. Et le monde pourrait respirer.

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