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samedi 12 novembre 2016

HISTOIRE et MEMOIRE - Pour la réhabilitation de tous les fusillés pour l'exemple !

HISTOIRE et MEMOIRE

Pour la réhabilitation de tous les fusillés pour l'exemple !
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1914-1918 : ces soldats gardois fusillés pour rien pendant la Grande Guerre


 Source des photos Google  BV



Source : articles parus dans le DL du 11 novembre 2016 édition de Grenoble

Le Dauphiné Libéré
LE DOSSIER DU JOUR | EN ISÈRE

GUERRE DE 14 18

| Depuis des années, un collectif isérois se bat, avec des familles, pour la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple

Ils ne baissent pas les armes pour leurs aïeux

649 soldats auraient été fusillés pour l’exemple entre 1914 et 1918, dont treize étaient isérois. Un collectif agit pour leur réhabilitation. C’est le plus important en France. Il s’agit de dix structures : l’Association nationale des anciens combattants et amis de la Résistance, l’Association républicaine des anciens combattants, la Ligue des droits de l’homme, la Ligue de l’enseignement, la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, la Libre pensée, l’Union pacifiste de France, le Mouvement de la paix, l’Association laïque des amis de Jean-Pierre Raffin-Dugens et l’Association laïque des amis du monument pacifiste de Pontcharra.


La réhabilitation des fusillés pour l’exemple est un sujet dont on parle depuis plus de 100 ans. Un sujet sensible que tous les gouvernements “évitent” malgré l’appel des familles qui aimeraient voir leurs aïeux rétablis dans leur honneur. Depuis une vingtaine d’années, ses familles sont soutenues activement par des associations et des élus qui demandent la réhabilitation collective des 649 fusillés répertoriés. En Isère, un collectif multiplie les initiatives et les démarches. En ce jour de commémoration de l’armistice du 11-Novembre-1918, il propose aux descendants des fusillés “un appel à la République”.


En décembre 2010, dix associations iséroises s’adressaient, lors d’une conférence de presse dans le
Vercors, aux parlementaires du département pour leur demander d’oeuvrer, à leurs niveaux, pour la
réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple. De cette initiative est né le Collectif isérois pour
la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple.
« Des hommes condamnés à mort pour désertion, refus d’obéissance, ou encore tirés au sort, ou tout
simplement sacrifiés, indique Yves GerinMombrun, de VillarddeLans, coordinateur du collectif.
Ces soldats sont passés par les armes dans le but d’accroître l’obéissance et la combativité des troupes
engagées. Il s’agissait bien de faire exemple, soit clairement de faire cesser hésitations et refus
d’avancer des soldats. Les exécutions avaient lieu devant les troupes. Pour l’essentiel, elles se sont
déroulées dans les premiers mois de la guerre. »

Entretien.

 Qui sont les fusillés pour l’exemple ?

«Ils seraient 649 sur les 2 500 condamnés à mort, selon le secrétariat aux Anciens combattants.
Mais le nombre exact, nous ne le saurons, bien sûr, jamais. Ils ne peuvent en aucun cas être confondus avec des condamnés pour délits de droit commun ou pour espionnage.
Pour la quasi totalité, il s’agit d’hommes du rang de soldats.
Les fusillés isérois sont cultivateurs, mineurs, ouvriers, charretiers, tisseurs… Des soldats issus de professions dites “modestes”. Ils sont tout à fait représentatifs de l’ensemble au niveau national, et conformes à la composition sociale des armées mobilisées en août 1914, des paysans et des ouvriers.»
Ü Dans quelles conditions ont-ils été fusillés ?

«D’une manière très expéditive par des conseils de guerre. Sans souvent avoir de défenseur et sans possibilité de faire appel. La sanction était mise à exécution très rapidement.»

 Quel type d’actions mène le collectif ?

«Nous organisons beaucoup de conférences, nous avons réalisé combien ce sujet était inconnu du grand public.
Nous engageons de nombreuses démarches auprès des gouvernements, des députés et des élus locaux. Aussi, nous proposons des rassemblements pacifistes pour les commémorations du 11Novembre afin de rendre hommage aux treize soldats isérois.
Cette année, il aura lieu ce vendredi à Eybens. Nous venons également de proposer aux descendants “un appel à la République”, qui rencontre déjà un large écho. Et nous soutenons l’initiative d’ériger un monument en mémoire aux 649 fusillés. Il sera élevé ce printemps sur une ligne de front dans l’Aisne.»

 Toutes les démarches restent vaines ?

«Oui. Au niveau national, il y a eu plusieurs tentatives de propositions de loi au Sénat, en 2008 et 2014. Et à l’Assemblée nationale, en 2012 et 2016, sans suite. Mais il faut souligner qu’une quarantaine de soldats a été réhabilitée d’une manière individuelle, au niveau national. Pour l’essentiel entre 1917 et 1934. Au niveau local, des conseils municipaux ont récemment pris des motions pour que le président
de la République prononce officiellement la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple. Il faut savoir que huit des treize fusillés isérois sont inscrits sur les monuments aux morts de leur village.
C’est exceptionnel en France. Cela signifie qu’après la guerre, des maires ont “interprété” la loi pour rassembler toutes les victimes.»

 Pourquoi tant de résistance au sommet de l’État ?

«Sans doute le poids toujours très présent de l’armée. Et peut être aussi la crainte de
donner crédit au droit de désobéissance.»

Recueilli par Monique BLANCHET


La réhabilitation des fusillés pour l’exemple est un sujet dont on parle depuis plus de 100 ans. Un sujet sensible que tous les gouvernements “évitent” malgré l’appel des familles qui aimeraient voir leurs aïeux rétablis dans leur honneur. Depuis une vingtaine d’années, ses familles sont soutenues activement par des associations et des élus qui demandent la réhabilitation collective des 649 fusillés répertoriés. En Isère, un collectif multiplie les initiatives et les démarches. En ce jour de commémoration de l’armistice du 11-Novembre-1918, il propose aux descendants des fusillés “un appel à la République”.

649 soldats auraient été fusillés pour l’exemple entre 1914 et 1918, dont treize étaient isérois. Un collectif agit pour leur réhabilitation. C’est le plus important en France. Il s’agit de dix structures : l’Association nationale des anciens combattants et amis de la Résistance, l’Association républicaine des anciens combattants, la Ligue des droits de l’homme, la Ligue de l’enseignement, la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, la Libre pensée, l’Union pacifiste de France, le Mouvement de la paix, l’Association laïque des amis de Jean-Pierre Raffin-Dugens et l’Association laïque des amis du monument pacifiste de Pontcharra. Photo DR


LA PHRASE
Avec l’Italie, la France reste la seule
nation à faire preuve de résistance
en matière de réhabilitation de ses
fusillés pour l’exemple. 

Yves GerinMombrun,
coordinateur du Collectif isérois

pour la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple

« Mon grand-père n’a pas déserté »
IL y a de l’amertume dans sa voix. De la tristesse, surtout. Il fait partie de ces familles qui se démènent afin que leurs aïeux, fusillés pour l’exemple,soient rétablis dans leur honneur.
Il a 78 ans, il est de SaintMarcellin. Tout comme son grand père, Jules Berger. Parti au front en août 1914. Fusillé le 12 septembre dans les Vosges. Il avait 22 ans. Il était marié et avait une petite fille de 4 ans. « Malgré un certificat de bonne conduite, il a été déclaré coupable de s’être mutilé volontairement et d’avoir abandonné son corps en présence de l’ennemi. Il a été condamné à mort et a reçu son exécution en présence des troupes de la garnison en armes », énonce Michel Revol.
Des paroles qu’il a dites et redites des dizaines de fois. Depuis des années. Des paroles qui résonnent dans la famille depuis plus de 100 ans.

Considéré comme un traître à la patrie à Saint Marcellin

« Mon grand père n’a pas déserté, explique l’ancien directeur d’école. Les témoignages de ses compagnons d’armes obtenus à l’époque montrent que, blessé au cours d’une attaque, il a cherché du secours dans un village proche. Cela a été interprété par ses supérieurs comme un abandon de poste. C’est à dire une désertion.
Dès lors, sa blessure a été jugée suspecte. On l’a accusé de s’être volontairement mutilé. » Il est effectivement arrivé que des soldats s’automutilent en se tirant une balle dans le doigt ou le bras, par exemple, pour échapper à l’horreur. Au traumatisme des tranchées, aujourd’hui connu sous le nom de “shell shock” ou “choc de l’obus”, un syndrome de la guerre des tranchées de 14 18.
« Le nom de mon grand père n’est pas inscrit sur le monument aux morts de Saint Marcellin», c’est un des grands regrets de Michel Revol, une blessure même. Il espère toujours voir, « au moins », une plaque déposée au pied de la stèle. Il a écrit au président Chirac, au Premier ministre Jospin, au président Hollande, pour que les fusillés pour l’exemple soient reconnus comme étant, eux aussi, morts pour la France.
Ce mort “innocent” a plongé sa famille dans le déshonneur.

L’opprobre.

« Il était considéré comme un traître à la patrie ici, à Saint Marcellin. Ma grand mère et ma mère n’ont pas été épargnées. Non seulement ma grand mère n’a pas eu droit au titre de veuve de guerre, ni à la pension, ni aux honneurs qui en découlent, mais elle a dû subir la honte. Elle et ma mère ont porté cette honte toute leur vie sur leurs épaules. On s’est détourné d’elles et n’ont jamais eu d’aide. Cela a été très longtemps un sujet tabou chez nous. » Le corps de Jules Berger n’est jamais revenu dans son village natal. Il est dans une fosse commune quelque part dans les Vosges.

M.B.




TROIS QUESTIONS À…

Les exécutions ont toutes été très sommaires


Olivier Cogne Directeur du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère

Il y a eu treize fusillés pour l’exemple en Isère. L’histoire de l’un d’eux avait été évoquée il y a deux ans dans votre musée, à l’occasion d’une exposition sur la Grande Guerre. Dites-nous en un peu plus.
Treize soldats isérois ont été fusillés pour l’exemple, la majorité pour “abandon de poste”, expression qui qualifie une désertion mais aussi, plus simplement, le fait de se soustraire aux ordres. Nous avions choisi de parler de Benoît Manillier, en nous basant sur le gros travail de mémoire qu’avaient réalisé des acteurs locaux, comme la “Libre pensée de l’Isère”. Benoît Manillier avait été mobilisé en août 1914 à Bourgoin et inculpé pour abandon de poste en présence de l’ennemi, le 3 septembre dans les Vosges. Il avait été condamné à mort et fusillé le 7 septembre. Les autorités l’avaient alors accusé de s’être automutilé pour échapper aux combats. Nous avions choisi cet exemple pour évoquer un sujet qui reste toujours d’actualité 100 ans après. Même si, numériquement, cela a touché peu de personnes… En effet, sur les 2 400 condamnés à mort, 649 ont été exécutés, les autres ont vu leurs peines commuées en travaux forcés, notamment.
Benoît Manillier a été exécuté au début de la guerre, pourtant, on a l’impression que les fusillés pour l’exemple l’ont tous été à l’époque de la bataille du Chemin des Dames, c’est-à-dire en 1917…
Nous voulions justement sortir de cette vision en évoquant l’exemple de Benoît Manillier. Contrairement à ce qu’on croit, la plupart des fusillés pour l’exemple l’ont été au début de la guerre. Mais 1917 est restée dans nos mémoires car c’est l’année des grandes mutineries et surtout d’une prise de conscience de la société sur l’atrocité des tranchées. À cette époque, en effet, l’opinion publique - qui commence à se demander quel est le sens de cette guerre qui n’en finit plus - est de plus en plus critique et commence à s’intéresser à ce genre d’histoires. D’autant que des récits de soldats arrivent à échapper à la censure. Un an auparavant, le livre d’Henri Barbusse, “Le Feu”, décrivant l’horreur vécue par les soldats français, a d’ailleurs fait l’effet d’une bombe, déstabilisant de nombreuses certitudes.
Mais pourquoi ce sujet semble encore si sensible ?
C’est encore un sujet assez vif, oui. Et cela peut s’expliquer par le fait qu’on ne pourra jamais vraiment réhabiliter tous les fusillés pour l’exemple, car nous ne disposons que de peu de données pour établir la culpabilité ou l’innocence des soldats. Les exécutions ont en effet toutes été très sommaires, ainsi que les comparutions des accusés. Les historiens avaient bien proposé des études au cas par cas, mais à la lumière des archives dont on dispose, cela me semble difficile. Il y aura toujours une part d’incertitude, qui peut générer un sentiment d’injustice, même 100 ans après. Reste que le travail de mémoire entrepris par les collectifs est important et très intéressant, car il pose des questions sur l’humanité en général.

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