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mercredi 30 mars 2016

Grèves du 31 mars : la CGT et FO mettent la barre haut

Grèves du 31 mars : la CGT et FO mettent la barre haut


                                         Jean-Claude Mailly et Philippe Martinez lors de la manifestation contre le projet de loi Travail, le 24 mars, à Paris.
  Jean-Claude Mailly et Philippe Martinez lors de la manifestation contre le projet de loi travail, le 24 mars, à Paris.


La nouvelle journée d'actions, jeudi 31 mars, pour obtenir le retrait de la loi travail, lancée par la CGT, FO, la FSU, Solidaires et des organisations d'étudiants et de lycéens (UNEF et UNL) devrait avoir beaucoup plus d'ampleur que les précédentes manifestations du 9 mars. Ce jour-là, les syndicats avaient recensé entre 450 000 et 500 000 manifestants à travers 144 rassemblements en France. La police avait avancé le chiffre de 224 000 (dont 29 000 à Paris).
Cette journée avait été suivie, les 17 et 24 mars, de manifestations organisées par les organisations de jeunesse, mais soutenues par les quatre syndicats, et ponctuées de quelques incidents. Pour le 31 mars, la CGT et Force ouvrière espèrent franchir le cap du million de manifestants à travers la France.
La CGT, dont toutes les journées d'action depuis 2012 se sont soldées par des échecs, a mis le paquet cette fois. Elle est à moins de trois semaines de son congrès confédéral (du 18 au 22 avril à Marseille), Philippe Martinez compte bien recueillir les lauriers d'une mobilisation réussie, même si elle n'atteint pas son but, pour se faire réélire confortablement secrétaire général de la CGT. Ce serait un beau cadeau d'anniversaire pour celui qui est arrivé, le 3 février 2015, dans des conditions controversées à la tête de la centrale syndicale et qui fêtera, le 1er avril, ses 55 ans.

Plus de 260 rassemblements en France

La centrale syndicale annonce pas moins de 266 rassemblements le 31 mars et elle profitera, comme le 9 mars, du renfort des cheminots appelés à faire grève sur leurs conditions de travail et leur future convention collective. La loi de 2007 sur le service minimum imposant désormais aux aspirants grévistes de se déclarer quarante-huit heures à l'avance, la direction de la SNCF annonce 33 % de cheminots en grève (contre 58,4 % le 9 mars), dont 38 % chez les conducteurs (contre 66 %). A la RATP et dans le transport aérien des grèves, de moindre ampleur, sont également prévues.
Philippe Martinez se montre tout à fait optimiste. "Nous avons travaillé, explique-t-il dans une interview à L'Humanité du 30 mars, à amplifier le mouvement afin de permettre le rassemblement des salariés, bien au-delà de nos cercles traditionnels". Il indique que d'autres mécontentements et d'autres revendications, notamment sur les salaires, se grefferont sur cette journée, semblant presque donner raison à Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, qui a qualifié les manifestations du 31 mars de "fourre-tout".
"Il y aura énormément de monde dans les rues, assure Philippe Martinez, j'en suis persuadé. Tous les salariés se sentent et sont directement concernés par la loi travail. Si bien que 70 % des Français considèrent que ce texte est mauvais. Nous continuons de recevoir beaucoup d'appels de salariés de petites entreprises non organisées pour savoir comment faire grève et où se trouvent les manifestations. La mobilisation du 9 mars a déjà eu un effet, puisque le gouvernement a dû rencontrer les organisations syndicales. Il doit désormais revoir l'ensemble de sa copie", précise-t-il.
Le secrétaire général de la CGT s'abstient de toute critique envers les syndicats réformistes, CFDT, CFTC, CFE-CGC et UNSA, qui ne demandent pas le retrait – et ne s'associent donc pas à la journée du 31 mars – mais qui vont plaider pour de nouvelles modifications du texte à la faveur du débat parlementaire. "Nous avons essayé de travailler avec tout le monde, indique-t-il, et la CGT a été à l'initiative de cette réflexion en commun. Il se trouve qu'en cours de route, pour des raisons de posture, quatre confédérations ont décidé de ne plus discuter avec les autres pour échanger et faire l'analyse sur le projet de loi".

La CGT et FO optimistes

Visiblement sans illusions sur un retrait de la loi travail, Philippe Martinez envisage "de nouvelles mobilisations interprofessionnelles". "Un gouvernement qui se dit à l'écoute de l'opinion doit retirer son texte, souligne-t-il. Ce n'est jamais perdre la face que de savoir écouter le peuple."
Si la CGT a annoncé, pour le 31 mars, une journée de grèves et de manifestations, FO est déjà passée à l'échelon supérieur en appelant à "une grève interprofessionnelle" jugeant que "seul le rapport de force imposé par la grève interprofessionnelle et la mobilisation de la jeunesse sera en mesure de contrecarrer le calendrier du gouvernement et de le faire reculer".
Jean-Claude Mailly, son secrétaire général, se montre, lui aussi, optimiste. "Le 31 mars doit être réussi, écrit-il dans FO-Hebdo du 30 mars, et, d'après lesinformations qui nous remontent, il le sera""Combattre la loi travail, affirme-t-il, c'est aussi exiger une réorientation importante de la politique économique menée. (...) La loi travail est une loi chômage et précarité." Mais, à la différence de son homologue de la CGT, il s'en prend vivement, une nouvelle fois, à la CFDT : "Il y a effectivement un axe gouvernement -Medef-CFDT comme trio gestionnaire de la rigueur austéritaire."

Des fédérations dissidentes

Les organisateurs de la journée du 31 mars comptent aussi sur des dissidences du côté des syndicats réformistes ; Philippe Martinez évoquant "des fédérations entières de ces confédérations" qui "seront présentes dans la rue". Dans l'entourage de Laurent Berger, on dément fermement la participation de fédérations CFDT : "Il n'y a aucun risque." Mais on confirme qu'il peut y avoir localement quelques syndicats, notamment dans la métallurgie, qui se mobiliseront pour "une amélioration du texte".
Du côté de la CFE-CGC, deux fédérations se sont dissociées de leur centrale syndicale et ont appelé à manifester avec les "contestataires". La fédération des métiers de l'informatique et du numérique estime que "le retrait pur et simple de cette loi demeure la seule solution convenable". Il en sera de même pour la fédération des énergies qui qualifie la loi travail de "déni de démocratie sociale".
Il s'agit de la fédération d'origine de la présidente de la CFE-CGC, Carole Couvert, qui a décidé de ne pas soutenir sa candidature au congrès de Lyon, à la fin du mois de mai, l'empêchant ainsi de briguer un second mandat. Du coup, la CFE-CGC a appelé, mercredi 30 mars, à un rassemblement le 3 mai aux abords de l'Assemblée nationale pour "faire évoluer le projet de loi El Khomri".

Les grandes mobilisations de 2010

Les syndicats "contestataires" espèrent renouer le fil des grandes mobilisations de 2010 contre la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy. Onze journées d'actions avaient été alors organisées avec, à chaque fois, un nombre important de manifestants : 800 000 (selon la CGT) le 23 mars (380 000 selon la police) ; 1 million le 27 mai (395 000) ; 1,92 million le 24 juin (797 000) ; 2,74 millions le 7 septembre (1,12 million) ; 3 millions le 23 septembre (997 000) ; 3 millions le 2 octobre (899 000) ; 3,5 millions le 12 octobre (1,23 million) ; 3 millions le 16 octobre (825 000) ; 3,5 millions le 19 octobre (1,1 million) ; 2 millions le 28 octobre (560 000) ; 1,2 million le 6 novembre (375 000).
Les mobilisations avaient donc été d'une ampleur exceptionnelle. Mais il y a deux différences essentielles avec la situation de 2016 : les huit organisations syndicales étaient alors unies, et elles s'opposaient à un gouvernement de droite. Au final, elles n'avaient pas fait reculer Nicolas Sarkozy, ce qui a expliqué en grande partie les faibles mobilisations des années suivantes. Une telle démonstration de force sera bien difficile à reproduire, la loi travail ayant accentué la division entre les syndicats.
Reste à savoir si des conditions météorologiques annoncées comme défavorables, le contexte de la lutte contre le terrorisme et la crainte d'incidents violents entre des jeunes (ou des "casseurs") et la police ne ruineront pas les espoirs des promoteurs de cette nouvelle mobilisation.

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