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dimanche 29 novembre 2015

Les Crises.fr : La Libye, prochain objectif de Daech


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29
Nov
2015

La Libye, prochain objectif de Daech


In memoriam, 2011 :
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L’État islamique utilise la France comme un leurre Par Jacques Benillouche 
Source : Slate, Jacques Benillouche 24-11-2015
Benghazi, le 7 juillet 2015 I REUTERS/Stringer
Pour Daech, le vrai combat se déroule en Libye, où elle mobilise aujourd’hui une bonne partie de ses troupes.
L’État islamique n’est pas parvenu au sommet des organisations terroristes islamistes par défaut. Son théoricien, Abou Moussab Al-Souri, et l’adepte qui s’est inspiré de son idéologie, Abou Bakr al-Baghdadi, ont été les artisans de l’implantation au niveau international de ce qui était à l’origine un petit mouvement islamiste concurrent d’Al-Qaïda. La réussite de Daech résulte d’une stratégie patiemment élaborée. Le groupe État islamique s’intéresse peu aux pays occidentaux, sauf pour faire diversion. Son objectif principal consiste à islamiser les pays musulmans, en particulier les pays faibles ou en phase de décomposition.
Les experts israéliens sont convaincus que les attentats de Paris tendent à détourner l’attention des Occidentaux sur ce qui se trame en Libye depuis quelques mois. Ils lui servent aussi de vecteurs de publicité pour attirer à lui de nouveaux candidats au djihad à la recherche d’un idéal ou d’aventures sanglantes. Les terroristes éliminés en France, très dangereux parce qu’incontrôlables, sont cependant des petits délinquants à la kalachnikov facile. Ils représentent des troisièmes couteaux suffisamment fous, hâbleurs et habiles pour occuper l’espace médiatique tandis que les vrais chefs expérimentés, issus de l’armée et des services de sécurité de Saddam Hussein, sont aux commandes. D’ailleurs, les tueurs de Paris ont montré leurs limites et leur manque d’expérience puisqu’ils ont laissé des traces qui ont mené la police vers leur refuge. Leur maladresse a permis d’épargner le Stade de France avec ses 80.000 spectateurs.

Créer les structures d’un État

La diversion semble fonctionner. Les djihadistes ont d’abord attaqué les centres-villes de la Libye pour mobiliser les dirigeants locaux tandis que la périphérie devenait une proie facile. La deuxième phase consiste à se lancer dans des massacres d’une rare sauvagerie pour forcer les populations à rejoindre les djihadistes en croyant qu’ils sont ainsi les seuls à rétablir la paix civile face à des gouvernements locaux qui ont échoué. La cruauté n’est pas gratuite mais efficace pour mener à la victoire. Les djihadistes utilisent ensuite leurs techniques barbares en Libye pour asservir les récalcitrants en décapitant et en accrochant à des croix douze combattants locaux, dont des salafistes, qui voulaient les déloger de Syrte. L’exemple marque; les civils tremblent et les moins téméraires se rallient en nombre.
Daech recherche, enfin, le rétablissement du califat qui prône le rejet de la démocratie, du nationalisme et de l’Occident. Fondé sur un islam rigoriste, il pourra alors s’installer dans la durée en créant les structures d’un État qui s’appuie sur de nouveaux juges et une nouvelle police. En contrepartie, il organise la vie sociale et les aides à une population soumise par la force et qui, de toute façon, se contente de dons matériels à défaut de liberté. Cependant, les dirigeants occidentaux parlent de démonstration de force pour détruire Daech en faisant allusion à la Syrie et à l’Irak envahie par les djihadistes. Mais ils négligent l’impact des filiales autonomes de l’État islamique installées au Yémen, dans la péninsule du Sinaï, et en Algérie même, faisant d’ailleurs concurrence à Al-Qaïda qui perd de plus en plus de son influence.

La plaque tournante du djihadisme mondial

En Libye, trois provinces ont déjà été envahies par des combattants aguerris qui n’ont rien à voir avec les «petites frappes» de Paris. En fait, l’État islamique profite des divisions politiques et du chaos généralisé pour renforcer sa présence à l’est et à l’ouest du pays. Un an après l’allégeance d’un petit groupe islamiste libyen au «califat», les djihadistes sont à présent bien implantés. Ils représentent les nouvelles structures d’un État qui a disparu dans les décombres de la guerre civile. Les arsenaux de Kadhafi, dont il reste encore quelques fusils à roquette, aident les terroristes dans leur conquête.
L’Occident considère que cette avance irrémédiable est neutralisée par les combats entre factions rivales. Or, Daech puise auprès de combattants désarçonnés un nouveau vivier de jeunes subjugués par sa réussite qui fait la une des medias internationaux. Les groupes islamistes concurrents se vident alors de leurs meilleurs éléments qui rejoignent les vainqueurs.
Daech contrôle Syrte et une grande partie de la côte-est. Cette ville côtière, qui comptait 75.000 habitants et où était né Kadhafi, est aux mains de Daech depuis juin. Il a réussi à diviser la ville de Benghazi en se substituant aux autres groupes extrémistes. D’ailleurs, l’État islamique conforte son implantation dans le pays en y envoyant toutes ses nouvelles recrues étrangères venant de Syrie et d’Irak. La Libye devient la plaque tournante du djihadisme mondial dans l’indifférence totale de l’Occident. Il dispose d’une forte capacité de nuisance auprès du monde musulman, tout en étant à quelques centaines de kilomètres de l’Europe. Si ce monde explose ou se décompose, les conséquences rejailliront sur tout le continent européen, sans compter l’envoi de terroristes déguisés en migrants qui affluent pour constituer la cinquième colonne. Daech a compris que celui qui contrôle les côtes libyennes contrôlera en fait le flux migratoire vers l’Occident.

Ne pas répéter l’abandon kurde

Mais l’Europe ne sera que secondairement touchée. Daech utilisera la tête de pont libyenne pour menacer les pays voisins faibles comme la Tunisie et d’une certaine manière l’Algérie. D’ailleurs, il est déjà établi que les terroristes qui ont attaqué les centres touristiques tunisiens ont été formés en Libye, dans les camps djihadistes. L’Occident, s’il le décide, n’a qu’un seul moyen pour freiner l’expansion en Libye en soutenant les nombreuses tribus qui constituaient jadis l’ossature du régime de Kadhafi. Elles ne sont pas prêtes à abandonner leur mainmise sur les zones dont elles ont le contrôle. Cette structure clanique, qui a freiné l’unité du pays, est la seule aujourd’hui qui pourrait s’opposer à l’État islamique pour l’instant rejeté.
Mais encore faut-il que l’Occident se comporte mieux qu’avec les Kurdes qu’il a abandonnés alors qu’ils étaient les seuls à occasionner des pertes sévères aux djihadistes. Les tribus libyennes ont beaucoup appris du déroulement des faits en Syrie. Ils veulent à présent protéger avec toute leur énergie les puits de pétrole pour empêcher le financement des troupes de Daech. Seul le chaos en Libye pourrait servir de catalyseur à l’État islamique pour s’emparer du pays à moins que les Occidentaux n’aident ces tribus par des frappes aériennes plus nombreuses et plus ciblées. Mais pour l’instant les Rafale visent les bases de Daech en Syrie en occasionnant peu de pertes puisqu’elles sont toutes souterraines.

Plus de 5.000 combattants

Les Américains, qui se sont brusquement réveillés de leur léthargie, ont bien lancé le 13 novembre 2015 un raid aérien contre Daech, à Derna dans l’Est-libyen, qui a permis d’éliminer le chef local de l’État islamique, l’irakien Wissam Najm al-Zoubaïdi (Abou Nabil), ancien membre d’Al-Qaïda. Mais l’effet est temporaire. Sa mort va certes réduire la capacité de l’organisation à procéder en Libye au recrutement de nouveaux membres, à la création de nouvelles bases et à la planification d’attentats à l’extérieur. Mais cela ne dissuadera pas l’implantation de Daech en Libye puisque les rangs des djihadistes, qui ne cessent de grossir, compteraient aujourd’hui plus de 5.000 hommes, avec des combattants étrangers venus de Tunisie, du Soudan et du Yémen.
Un rapport de l’ONU du 16 novembre 2015 précise que «des groupes armés ayant prêté allégeance à Daech ont pris le contrôle et consolidé leur emprise sur des portions du territoire libyen commettant des abus graves dont des exécutions sommaires sur la base de leur religion». Un proverbe tunisien de circonstance prétend que «ne ressent la brûlure de la braise que celui qui marche dessus». La brûlure n’a pas encore atteint les Occidentaux.
Source : Slate, Jacques Benillouche 24-11-2015

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