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dimanche 30 août 2015

Barack Obama va-t-il laisser mourir Tariq Ba Odah, gréviste de la faim à Guantánamo?

                         
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Barack Obama va-t-il laisser mourir Tariq Ba Odah, gréviste de la faim à Guantánamo?


DANS ARTICLEINTERNATIONAL / PAR  / LE 18 AOÛT 2015 À 4 H 37 MIN /

L’administration Obama a choisi de recourir à une manœuvre légale exceptionnelle particulièrement cruelle dans le cas de Tariq Ba Odah, détenu arbitrairement à Guantánamo depuis 2002 et en grève de la faim depuis huit ans, aujourd’hui dans une situation sanitaire critique alors qu’il ne pèse plus que 33,5 kg, soit 56% de son poids corporel normal. En effet, en réponse à la requête légitime et juridiquement contraignante de ses avocats visant sa libération pour absence de charges, détention arbitraire et raisons sanitaires, le Ministère de la Justice US a décidé vendredi dernier de s’y opposer sous le sceau du secret.
Selon son Avocat qui travaille avec le Center for Constitutional Rights (Centre des Droits Constitutionnels, organisation US fondée en 1966 dans le sillage du mouvement des droits civiques, ndlr), Me Omar Farah, cette décision est liée au fait que les pouvoirs publics étasuniens espèrent cacher cette affaire sous le boisseau afin d’éviter la critique internationale, tout en maintenant en activité le camp de détention de Guantánamo, malgré les promesses du PrésidentBarack Obama qu’il soit définitivement fermé d’ici la fin de son second mandat, en janvier 2017 (qui est d’ailleurs la réitération d’une promesse faite lors de son premier mandat):
Du fait que la décision rendue aujourd’hui est scellée, nous ne pouvons pas commenter son contenu. Toutefois, nous sommes profondément déçus de cette décision secrète. Il s’agit d’un effort transparent pour cacher la réalité que le processus de l’administration Obama pour fermer Guantánamo, impliquant plusieurs agences, est un fouillis incohérent dont l’intention flagrante est de dissimuler les inconsistances entre la volonté déclarée par le gouvernement de fermer Guantánamo, et les mesures qui ont été prises pour le transfert des hommes dont la libération a été décidée. Le gouvernement souhaite simplement éviter la critique publique et d’avoir à répondre de ses actes.
C’est également inutile. Il n’y a rien qui concerne ce moment crucial qui doive être tenu à l’écart de la conscience publique. La grave condition médicale de M. Ba Odah n’est pas remise en cause. Étant donné que l’aval pour sa libération a été donné depuis 2009, la question de l’accord pour son transfert n’est plus soumise à discussion. Tout ce qu’a à décider le président est d’exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas contester la motion (de sa libération, ndlr) et de relâcher M. Ba Odah afin qu’il ne décède pas.
Tariq Ba Odah fut arrêté au Pakistan en février 2002 par la police locale puis vendu aux autorités militaires US sur place, pour se voir transféré de manière extrajudiciaire jusqu’à l’enclave étasunienne de l’île de Cuba. Selon les officiels étasuniens, il participait à un programme d’entraînement militaire en vue de rejoindre les Talibans et, en dépit du fait qu’il ait toujours clamé son innocence à ce propos, il y est détenu depuis cette date en absence d’acte formel d’accusation.
Ayant entamé une procédure en habeas corpus contre l’administration US (la procédure juridique dite en habeas corpusen est une du droit anglo-saxon où un détenu a le droit de mander son geôlier devant une Cour de justice afin que celui-ci justifie de son autorité à le maintenir en détention) le 1 octobre 2006, M. Ba Odah a depuis subi un parcours du combattant juridique, tout en faisant le choix de commencer une grève de la faim indéfinie, dès février 2007.
Ses geôliers du camp militaire de Guantánamo ont par la suite décidé de le nourrir de force par intubation nasale – des fonctionnaires du Ministère de la Défense en excès de zèle jugeant qu’il s’agit là de « jeûne non-religieux » s’apparentant à une forme de belligérance – et de le placer, dès mai 2009, en cellule d’isolement sous le prétexte que sa grève de la faim témoignait d’une « rébellion ».  Il ne peut quitter sa cellule que pendant 2 à 4 heures par jour, mais sa condition physique le garde le plus souvent alité.
Tariq smiling (v2)Il bénéficie de très peu de contacts humains, hormis ceux de ses geôliers et des médecins qui lui imposent une alimentation forcée que son corps ne parvient plus à absorber, tant son organisme est affaibli et que les quantités qui lui sont intubées par le nez ont été augmentées dans l’effort futile de pallier à sa perte de poids. Les responsables du Pentagone insistent qu’il reçoit des soins appropriés.
Depuis 18 mois, sa perte de poids soulève les inquiétudes de ses Avocats et du Dr. Sondra Crosby, médecin au Boston Medical Center qui a présenté ses conclusions, basées sur les informations que Me Farah a pu lui fournir (elle n’a pas été autorisée à procéder à un examen clinique), à la Cour fédérale du District de Columbia dans le cadre de la procédure en habeas corpus que sa défense a relancée en son nom le 25 juin dernier, comme son état physique et neurologique ne lui permet plus de l’assumer en son nom propre:
Il y a des limites à ce que peut endurer le corps humain, et à 33,5 kg – quelle que soit la nature précise de ses complications médicales sous-jacentes – M. Ba Odah atteint indubitablement ces limites et peut bientôt les dépasser…
… En conclusion, sur les bases des informations qui m’ont été fournies, mon opinion médicale est que M. Ba Odah est gravement malade et soumis à un risque conséquent de dommages organiques sérieux et/ou de mort. Ses blessures peuvent s’avérer permanentes. Mon opinion médicale est que M. Ba Odah requiert une évaluation et une intervention médicales immédiates afin d’enrayer tout déclin supplémentaire et des blessures potentiellement irréversibles ainsi qu’une mort éventuelle. Ce plan de traitement nécessitera une surveillance, une convalescence et une réhabilitation sur le long terme.
Cette réticence à libérer un homme détenu arbitrairement, régulièrement soumis à la torture et en grève extrême de la faim s’exprime alors qu’un Groupe de Travail de Revue de Guantánamo, composé de représentants de toutes les agences gouvernementales US en lien avec Guantánamo (Ministères de la Défense, de la Sécurité Intérieure, de la Justice, des Affaires Étrangères ainsi que le Bureau du Directeur du Renseignement National – Office of the Director of National Intelligence, ndlr), avait dès 2009, à l’unanimité, recommandé sa libération ainsi que celle de 51 autres co-détenus. Elle s’exprime également au moment où l’administration Obama soutient fortement l’assaut saoudien contre le Yémen, dont Tariq Ba Odah est un ressortissant, tout comme nombre de détenus de Guantánamo incarcérés depuis des années, sans acte d’accusation formelle.
Alors que cet homme cherche à faire entendre ses droits de la seule manière lui restant ouverte – la grève de la faim – et que tous les renseignements d’une quelconque valeur qu’il ait pu détenir sont éventés depuis des années (13 ans qu’il est détenu…), l’administration US semble préférer considérer l’expression de sa dignité comme un risque politique, selon les termes de Joseph Margulies, Professeur de droit à l’Université de Cornell qui représente également un détenu de Guantánamo, en référence à Barack Obama:
Je pense tout simplement qu’il ne souhaite pas dépenser de capital politique pour le faire. C’est beaucoup moins important pour lui que l’accord iranien.
L’orientation du choix de vendredi devait, selon des commentateurs, définir si le président étasunien allait suivre l’avis de son Département d’État, favorable à la libération de Tariq Ba Odah du fait de l’érosion avancée de la réputation des USA au niveau international en tant que partenaire fiable, ou se ranger à celui de ses conseillers du Pentagone, allergiques à l’idée d’une investigation publique sur leurs agissements à Guantánamo (comme ailleurs). Il semble qu’une fuite en avant ait été préférée à l’appel de la raison, bien que les Avocats de M. Ba Odah soient en cours d’examen de la décision secrète du Ministère de la Justice US, et que celui-ci est encore en vie malgré les conditions abominables qui lui sont outrageusement imposées.
Lawrence Desforges
A propos de l'auteur : 

Je m'appelle Lawrence Desforges et suis français d'origine irlandaise de 40 ans. J'ai depuis des années cherché du sens aux non-sens qui m'entourent et ai trouvé des réponses dans la manipulation de l'information et de la société par des intérêts privés. Résolu à ne pas participer à cette parodie de vie, j'ai rejoint le Cercle pour redonner le sens à mon existence et dénoncer les menteurs. J'y écris sous le pseudo de Will Summer.
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