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vendredi 7 novembre 2014

L’Europe choisit de laisser les migrants mourir en mer



L’Europe choisit de laisser les migrants mourir en mer


LE MONDE | 

                              Embarcation de migrants au large de la Libye, en octobre 2014.
Embarcation de migrants au large de la Libye, en octobre 2014. | Darrin Zammit Lupi / Reuters

Dans la mythologie grecque, Triton était un dieu marin, messager des flots, qui avait le pouvoir de calmer les tempêtes. Deux mille cinq cents ans plus tard, Triton refait surface en Méditerranée. D’une certaine manière, il a, à nouveau, pour mission de calmer une tempête, celle des centaines de milliers de réfugiés prêts à risquer leur vie en mer pour fuir la guerre ou la misère et rejoindre les rivages de l’Europe. Mais le message que porte la nouvelle opération européenne de contrôle des frontières maritimes, derrière le nom évocateur de « Triton », est un message de renoncement et d’impuissance.
Il ne faut pas se voiler la face. Comme a fini par l’avouer le ministre italien de l’intérieur, Angelino Alfano, « Triton » met fin à l’opération « Mare Nostrum », qui a sauvé 150 000 personnes. L’Union européenne remplace une mission humanitaire par une mission sécuritaire.
« Mare Nostrum » a été lancée en octobre 2013, au lendemain d’un terrible naufrage au large de l’île italienne de Lampedusa. C’était une opération italienne, avec des navires qui allaient, jusqu’aux eaux territoriales libyennes, sauver les candidats à l’asile entassés sur des embarcations précaires par des réseaux de passeurs mafieux. L’Italie a fait ses comptes : 9 millions d’euros par mois. La générosité, ça coûte cher. Surtout quand on est seul à payer.

Non seulement la solidarité européenne n’a pas joué, mais les collègues européens du ministre italien ont commencé à lui reprocher de favoriser l’émigration clandestine en offrant aux candidats au départ l’espoir que la marine italienne se porterait à leur secours. La palme de la franchise revient au ministre allemand de l’intérieur, Thomas de Maizière, qui a regretté le fait que « Mare Nostrum, prévue comme une mission de sauvetage, se soit avérée être un pont vers l’Europe ».

« Triton » ne calmera pas la tempête

Il a fallu trouver une solution, et cette solution s’appelle « Triton ». L’opération n’est plus une mission simplement italienne mais européenne, gérée par l’agence de surveillance des frontières extérieures de l’UE, Frontex. Elle coûtera trois fois moins cher, elle s’arrêtera à la limite des eaux territoriales européennes.
« Triton » ne calmera pas la tempête. Les migrants continueront d’affluer, car ce n’est pas la perspective d’être bien accueillis qui les incite à partir, mais la misère et la violence. Ils continueront d’embarquer sur des rafiots depuis la libye, après avoir endetté leur famille, tant que les réseaux de passeurs réussiront à prospérer. Et ils continueront à mourir en mer.
La vérité, c’est que l’immigration est considérée aujourd’hui en Europe comme un fléau, ce dont se nourrissent les partis protestataires. Aucun des grands partis de gouvernement de l’UE n’a le courage ou l’ambition d’élaborer une stratégie rationnelle sur la gestion, l’accueil ou l’utilité des migrants. Tant que nous serons dans le déni sur cette question, la Méditerranée, « notre mer », continuera d’engloutir des réfugiés.
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