RUMEUR - C'est un directeur d'école choqué par ce qu'il vient de vivre qui raconte comment se sont passés les derniers jours dans son établissement strasbourgeois. Il s'agit d'une école primaire de 240 élèves classée située en zone d'éducation prioritaire qui a été confrontée à une rumeur persistante, comme ce fut le cas dans plusieurs villes.
Tout est parti de la campagne baptisée "Journée de retrait de l'école". Lancée par l’écrivaine Farida Belghoul, proche de l’essayiste d'extrême droite Alain Soral, compagnon de route de Dieudonné, elle a été abondamment relayée par SMS et sur les réseaux sociaux pour protester contre un supposé enseignement de la théorie du genre
"Jeudi dernier, j'ai été alerté par de nombreux parents qui avaient reçu un message leur disant de ne pas mettre leur enfant à l'école le vendredi, raconte-t-il. Trois sont venus me voir et j'ai reçu une vingtaine de coups de téléphone. Ils m'ont montré le SMS qu'ils avaient reçus dans lequel il était écrit de retirer leur enfant de l'école en les renvoyant vers un site internet, celui de Farida Belghoul. Mais les parents étaient incapables de me dire d'où venait ce message." En trente ans de carrière, c'est la première fois qu'il dit être confronté à pareil phénomène.
Ce qui a le plus effaré le directeur c'est la teneur du discours tenu par les parents. "J'ai vraiment tout entendu. Que nous allions recevoir des intervenants gays et lesbiens qui viendraient expliquer aux enfants comment on s'embrasse, que des associations juives viendraient voir le sexe des enfants et leur dire qu'ils pourraient changer de sexe s'il ne leur convenait pas, que l'école diffuserait des films porno. Tout cela est bien évidemment archi-faux", raconte-t-il.
"Si c'est sur Internet, c'est que c'est vrai"
Mais le pire, selon lui, ce n'est pas tant le contenu du message que sa viralité. "Cette histoire est affolante parce qu'elle prouve qu'on peut faire circuler n'importe quoi. Et les parents me disaient 'si c'est sur Internet, c'est que c'est vrai' et comme le site est bien fait les parents les plus crédibles tombent dans le piège", s'alarme le directeur. Il explique avoir réussi à convaincre les parents qui sont venus le voir. Mais beaucoup n'ont pas eu ces démentis à temps.
Résultat, vendredi dernier, 80 enfants, soit un tiers des effectifs manquaient à l'appel et dans l'école maternelle qui jouxte cet établissement le taux d'absentéisme d'un tiers également. "C'était essentiellement au sein des communautés turque, maghrébine et communauté gitane, qui ont toutes trois la particularité de vivre un peu repliées sur elles-mêmes. Ils se disent 'ma sœur, ma voisine n'envoient pas leur enfant à l'école alors pourquoi le ferais-je'", raconte le directeur.
Pour tenter de mettre un terme à ce mouvement, il a convoqué dès vendredi un conseil d'école pour sensibiliser les délégués des parents et leur demander de faire passer un message de raison. Et lundi, les enfants qui n'étaient pas venus en classe vendredi ont reçu un mot d'explication signé du recteur et de l'inspectrice. Objectif: faire en sorte qu'un éventuel futur appel à retirer ses enfants des classes ne soit pas suivi d'effet.
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