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vendredi 31 mai 2013

Préjudice moral pour la politique, l'éditorial de Jean-Paul Piérot

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SOCIAL-ECO -  le 31 Mai 2013

Préjudice moral pour la politique, l'éditorial de Jean-Paul Piérot

L’affaire Bernard Tapie, devenue l’affaire Tapie-Lagarde, et il serait bien étonnant qu’elle en reste longtemps encore à ce niveau, s’affirme de plus en plus clairement comme 
un scandale d’État. L’épais brouillard qui a entouré 
en 2008 la ponction de plus de 400 millions d’euros 
des fonds publics au profit d’un affairiste bien en cours auprès de l’ex-président de la République est peut-être 
en train de se dissiper.
La longue audition, la semaine dernière, 
de l’actuelle directrice générale du FMI par les magistrats de la Cour de justice de la République s’était conclue par la mise en l’état de témoin assisté de l’ancienne ministre des Finances de Nicolas Sarkozy. La mise en examen de Pierre Estoup, l’un des trois juges du tribunal privé qui accorda ce pactole colossal à Bernard Tapie, pour escroquerie en bande organisée et faux, donne à l’affaire une dimension évidemment gravissime. Si mise en examen n’est pas jugement et si la présomption d’innocence s’impose, l’hypothèse d’un vol organisé, sous 
la couverture juridique d’une procédure d’arbitrage, est néanmoins posée. Une chose est sûre avant même que soient établies les responsabilités des uns et des autres dans cette ténébreuse opération : les 403 millions d’euros accordés à un particulier, dans le cadre du litige qui l’opposait au Crédit lyonnais, ont été payés par la collectivité nationale. Or les Français ont toutes les raisons d’exiger de l’État qu’il fasse un meilleur usage de leurs impôts pour répondre aux besoins de la société.
Il est difficile de croire que le recours 
à une procédure arbitrale, en usage dans les contentieux privés, alors qu’il s’agissait d’une affaire impliquant l’État, ait pu être décidé, qu’une somme aussi faramineuse ait pu être accordée au plaignant, au demeurant une personnalité publique, homme d’affaires au passé sulfureux et ancien ministre, sans que le plus haut niveau de l’État n’ait eu son mot à dire. Et, pour être plus clair, un mot décisif. Peut-on imaginer que la chaîne des responsabilités de ce qui ressemble à une mascarade judiciaire ait pu contourner la case élyséenne ? Nicolas Sarkozy n’est jamais apparu comme un président indifférent au point de laisser sa ministre des Finances s’égarer dans une telle aventure. Et puisque les juges évoquent une escroquerie en bande organisée, il reste à identifier les membres de la bande et à mettre en lumière les rouages de l’affaire, les manipulations éventuelles dont certains ont pu se rendre coupables contre d’autres…
L’État est évidemment fondé à se porter partie civile, seule condition pour que soit engagée une procédure en révision, avec l’objectif d’obtenir 
une récupération des sommes ainsi dilapidées. 
Les arbitres avaient poussé l’extravagance jusqu’à accorder à Tapie 45 000 000 d’euros au titre du préjudice moral. On n’aura pas la cruauté de demander combien touchèrent les salariés des entreprises rachetées à vil prix et restructurées avant d’être revendues par Bernard Tapie au titre du préjudice moral. La morale a été justement trop malmenée dans cette longue affaire qui illustre avec arrogance les liens entre les affairistes et une conception dégradée de la politique. C’est elle et elle seule qui a subi un préjudice moral...
Jean-Paul Piérot

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