"Que les plus hauts revenus aient les mêmes allocations, non ! Ce sera revu." La déclaration de François Hollande sur France 2, jeudi 28 mars, a suscité l'ire des associations familiales, avant même que ne soit examiné, le 4 avril, le rapport commandé au président du Haut Conseil de la famille (HCF), Bertrand Fragonard, en vue de réduire le déficit de la branche famille.
"On va garder l'universalité des allocations familiales", a ajouté le chef de l'Etat. Pourtant, il semble bien avoir ouvert une brèche dans ce principe en vigueur depuis la création de la Sécurité sociale à la Libération. Explications.

Qu'est-ce que l'universalité ?

Actuellement, le montant des "allocs" ne varie qu'en fonction du nombre d'enfants. C'est le principe d'universalité : on peut bénéficier d'une prestation, quel que soit le revenu des bénéficiaires. Très pauvre ou très riche, un foyer, s'il a deux enfants, touche 127 euros et 290 euros s'il en a trois.
"En 1789, les révolutionnaires avaient opposé l'égalité à l'aumône. Pour ce qui est de la Sécurité sociale, c'est la gauche qui a promu l'idée d'universalité, en 1946. Il s'agissait d'assurer l'égalité de tous face aux prestations, quitte à répartir l'effort via les cotisations", explique Rue89.

Que disent ceux qui veulent revenir dessus ?

Comme le rappelle encore Rue89, "dans les années 1990, la droite et une partie de la gauche ont cherché à remettre en cause ce principe. Le débat a fait rage, opposant les partisans de l’égalité (face aux prestations) à ceux de l’équité, qui, derrière Alain Minc, leur chef de file idéologique, souhaitaient concentrer les ressources aux besoins des plus pauvres".
Le député Gérard Bapt, rapporteur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, avait fait part de ses propositions de diviser par deux les allocations familiales des ménages avec deux enfants dont le revenu est supérieur à 53 000 euros par an (4 400 euros par mois), et celles des ménages de trois enfants dont le revenu excède 61 000 euros par an. "Notre proposition, c'est de tenir compte (...) de la crise, c'est de protéger les familles les plus modestes et faire appel à la solidarité des familles les plus aisées", expliquait le député socialiste. Le gouvernement fait valoir que les sommes économisées permettront de mieux lutter contre la pauvreté, et souhaite accentuer l'effort sur l'ouverture de crèches.

Que leur répondent les défenseurs de l'universalité ?

"Peu à peu, le risque est de voir se déliter ce qui reste de tissus de cohésion sociale du pays. Et d’accélérer le glissement vers une société clivée : il y aura ceux qui passeront leur temps à produire la preuve humiliante qu'ils gagnent peu, et les autres", écrit Pascal Riché sur Rue89.
Par ailleurs, les allocations ont été conçues pour doper la natalité, même si le résultat est difficile à établir, comme le rappelle le journaliste de France 2 François Beaudonnet.
 
Mais, comme le rappelle François Fondard, président de l'Union nationale des associations familiales (Unaf), interrogé par Les Echos"les allocations ne sont pas un revenu complémentaire, mais la juste compensation d'une charge".
 
Les Echos soulignent qu'élever un enfant coûte cher. "Une fois prises en compte les prestations versées, le niveau de vie d'un ménage aisé (vivant avec l'équivalent de cinq fois le smic) et élevant deux enfants est encore inférieur de 25% à celui d'un couple sans enfant au même niveau de revenus", explique le journal qui s'appuie sur le travail d'un économiste de l'OFCE. Bref, "les allocations ne bénéficient pas qu'aux riches, mais bien aux classes moyennes au sens large".